Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les deux chefs du parti napi-autochtone, MM. Zographos et Rhigas-Palamides. À Calavrita, arrondissement électoral qui se compose de treize communes, M. Zographos avait eu la majorité dans trois communes seulement. La chambre, en conséquence, a maintenu les opérations de ces communes, et annulé celles des dix autres. Pour M. Rhigas, on a mieux fait encore. L’élection de Tripolitza était assez tumultueuse, et soit parce que les électeurs le repoussaient, soit à cause des manœuvres du gouvernement, il paraissait impossible que M. Rhigas fût nommé régulièrement. Au lieu de se borner à protester, il rassembla alors quelques centaines de paysans, électeurs ou non, et les conduisit chez un notaire, qui, sous la garantie de deux témoins, dressa un acte des votes. On assure même que, comme certains comparses de l’Opéra, les mêmes électeurs reparurent deux ou trois fois sous des noms différens. En présence de tels faits, l’opposition demandait une chose très simple et très juste, une chose à laquelle M. Rhigas et ses amis eussent dû se rallier tout de suite, l’annulation complète des opérations électorales. Eh bien ! on ne l’a pas voulu, et la chambre, à une faible majorité, a décidé que les votes reçus par le notaire étaient valables. Ne croyez pas d’ailleurs que l’on se soit donné la peine de dissimuler sous de beaux prétextes le motif de cette singulière décision. « Il est douteux, a-t-on dit dans la chambre même, que M. Rhigas soit nommé, si les opérations sont annulées ; or, la chambre a besoin de lui. » C’est sans doute par d’aussi bonnes raisons qu’on a déjà annulé trois des quatre élections de M. Maurocordato. Il reste, pour couronner l’œuvre, à annuler la quatrième, et à débarrasser ainsi la chambre du chef naturel de l’opposition.

À Athènes, ces étranges procédés ont, comme cela était inévitable, fort irrité le parti vaincu. Il ne paraît pas qu’ils aient soulevé dans le parti vainqueur beaucoup de répugnances et de scrupules. « Les maurocordatistes, a-t-on dit, avaient abusé du pouvoir contre l’opposition ; l’opposition, devenue majorité, en abuse contre eux. Cela est simple et presque juste. Les maurocordatistes, d’ailleurs, sont peu nombreux dans la chambre ; qu’importe qu’ils aient quelques voix de plus ou de moins ? » Ce sont là, il faut le proclamer bien haut, de déplorables argumens, et ce n’est pas ainsi que les Grecs se montreront dignes des institutions qu’ils ont conquises. Les maurocordatistes ont abusé du pouvoir, cela est vrai ; mais l’injustice ne dispense pas de la justice, ni la violence de la modération. Il est un pays qui se dit constitutionnel et où le parti vainqueur, quel qu’il soit, fait toujours en sorte d’exclure le parti vaincu de la chambre élective. Ce pays est l’Espagne, et