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Nous marchâmes pendant une heure au milieu de cette nuée de cavaliers en repoussant leurs attaques par la fusillade et la mitraille ; ils portèrent leurs principaux efforts sur nos derrières, peut-être dans l’espérance de ralentir notre marche sur le camp. On ne fit que deux petites haltes pour raccorder les bataillons qui avaient été dans la nécessité de s’arrêter afin de repousser les attaques. Enfin, le général, voyant l’ennemi dégoûté du combat et éparpillé sur tous les points de l’horizon, fit sortir la cavalerie, qui se forma en quatre échelons disposés à l’avance : le premier se dirigea sur le camp, les autres étaient échelonnés ; le dernier devait s’appuyer à la rivière. Cette cavalerie ne pouvait plus rencontrer sur sa route de forces capables de l’arrêter, et d’ailleurs l’infanterie, continuant et accélérant sa marche, lui présentait un appui, et au besoin un asile assuré. Tout céda devant elle ; le camp, les canons, les bagages, les bêtes de somme, tout tomba en son pouvoir.

L’ennemi était parvenu à rallier de l’autre côté du camp 8 à 10,000 chevaux qui se disposaient à reprendre l’offensive sur notre cavalerie, rompue par l’enlèvement de ce vaste camp ; mais l’infanterie, laissant les tentes sur sa droite, vint faire un bouclier à nos cavaliers. Après un petit temps d’arrêt pour rallier et laisser respirer les hommes, on reprit l’offensive, et, notre cavalerie s’étant réunie, nous franchîmes une troisième fois l’Isly, et nous poussâmes cette vaste cohue sur la route de Fez. Il était alors midi. Aucun autre cours d’eau n’était connu que celui d’Aïoun-Sidi-Mellouk, qui est à douze lieues de là ; on ne pouvait espérer de prendre la cavalerie, et l’on avait entre les mains tout ce qui était saisissable.

Le maréchal, toujours attentif à ménager les forces des soldats, fit cesser la poursuite, et nous ramena au camp marocain, où de nombreuses provisions nous dédommagèrent de nos fatigues.

Ainsi finit cette bataille qui a consacré la conquête de l’Algérie.


M. le maréchal Bugeaud.