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Tout retard, toute hésitation de notre part aurait augmenté le danger.

En arrivant, le gouverneur écrivit au général marocain, El Guennaoui, pour lui demander une entrevue avec le général Bedeau. La conférence fut acceptée ; le général marocain y vint avec 5,000 hommes. De notre côté, 4 bataillons et 800 chevaux s’avancèrent. Dès le commencement de l’entrevue plusieurs propos outrageans furent adressés au général Bedeau par les assistans, et bientôt après, plusieurs coups de fusil furent tirés contre nos troupes, ils blessèrent le capitaine Daumas et plusieurs soldats. Le général marocain suspendit un instant les pourparlers pour rétablir l’ordre. Pendant ce temps, le général Bedeau et les officiers de sa suite eurent une contenance calme et ferme. En rentrant, El Guennaoui déclara que, ne pouvant pas contenir l’enthousiasme de ses soldats, il fallait terminer au plus vite. Il ajouta que l’empereur désirait rester en paix, mais qu’il voulait que les Français abandonnassent Lalla Maghrania, et se retirassent derrière la Tafna, qui serait désormais notre limite.

« Je ne suis pas autorisé, dit le général Bedeau, à faire une pareille concession. — Si vous ne la faites pas, répliqua El Guennaoui, c’est la guerre. – Soit, » répondit le général Bedeau. Là dessus on se sépara, le général Bedeau rejoignit les troupes en observation ; mais au moment où il commença sa retraite, son arrière-garde fut vivement attaquée.

Instruit de ce qui se passait, le gouverneur sortit brusquement du camp, rallia les généraux Bedeau et de Lamoricière, reprit l’offensive, mit les Marocains en déroute, et leur tua 400 hommes, qui restèrent en notre pouvoir. Nous perdîmes dans cette circonstance deux capitaines de spahis, et une vingtaine d’hommes tués ou blessés. Ce petit combat produisit le meilleur effet, en avant et en arrière. Plusieurs chefs arabes, qui avaient accompagné le gouverneur, furent renvoyés pour en porter la nouvelle à leurs tribus, qui dès ce jour-là montrèrent beaucoup plus d’empressement pour les approvisionnemens de l’armée.

Le lendemain, le gouverneur écrivit à El Guennaoui qu’il ne respecterait plus le territoire marocain, qu’il y chercherait Abd-el-Kader, qu’il entrerait à Ouchda, et que cependant il était toujours prêt à rétablir l’harmonie entre les deux empires, aux conditions qu’il lui indiquait.

Nous entrâmes, en effet, à Ouchda, que les Marocains ne défendirent pas. La ville fut respectée, nous vécûmes abondamment dans le