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fait de lui promettre et de lui donner son appui. Où voit-on là les traces d’une hostilité aveugle contre l’Angleterre et d’un esprit étroit et exclusif ? Ce n’est pas ma faute si, par les conseils ou du moins avec l’assentiment de la légation anglaise, le ministère Maurocordato a marché dans une voie où ne pouvaient le suivre ceux qui tiennent au rapprochement des partis et à la sincérité des institutions constitutionnelles. Ce n’est pas ma faute s’il est ainsi tombé sous le coup d’une réprobation si unanime, si énergique, qu’une réaction déplorable en a été la conséquence. Voilà, depuis quatre ans, la seconde fois qu’à Athènes l’influence anglaise arrive au pouvoir dans les circonstances les plus favorables, et qu’elle se montre inhabile à s’y maintenir. Où trouver l’explication de ce fait, si ce n’est d’une part dans la mauvaise conduite de ses agens, de l’autre, dans certaines arrière-pensées qu’avec son intelligence si prompte, la Grèce aperçoit bientôt et dont elle se défie ? Quand, par exemple, un des journaux les plus libéraux de l’Angleterre, l’Examiner, tourne en dérision ou dénonce comme un crime l’idée d’étendre un jour les frontières de la Grèce, et de lui rendre les provinces qui lui appartiennent naturellement par l’histoire, par la langue, par la religion, pense-t-on que le langage de ce journal n’explique pas, ne justifie pas bien des craintes et bien des répugnances ? Et ce n’est pas en France seulement que la conduite de l’Angleterre en Grèce est ainsi jugée, c’est partout où la Grèce a des amis francs et désintéressés. Voici ce qu’écrivait, il y a quelques années, un des deux régens bavarois dont la Grèce a conservé un bon et honorable souvenir, M. de Maurer : « L’Angleterre, dit-il, est un état commercial, et par suite sa politique est essentiellement une politique commerciale. Elle a toute la pénétration et toute l’habileté que donne l’intérêt commercial. La faiblesse de l’empire ottoman assure à la marine anglaise non-seulement le monopole du commerce de la Méditerranée, mais encore celui du commerce de l’Inde. Un état commercial puissant, indépendant, en possession d’une civilisation européenne, un pareil état, établi à la porte de la Turquie, appellerait nécessairement à lui le commerce de l’Orient. Il ouvrirait infailliblement de nouvelles routes vers l’Inde, et devrait, de cette manière, quoique dans un avenir éloigné peut-être, mettre un terme au monopole britannique. Voilà pourquoi le petit état grec apparaît dès aujourd’hui à la politique égoïste et perspicace de l’Angleterre comme un futur rival. Voilà aussi ce qui explique la conduite souvent si inconcevable du gouvernement anglais.

Cependant à la crainte de voir la Grèce s’emparer du commerce de