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« Si le gouvernement britannique met dans ces principes, auxquels nous avons toujours été fidèles, la confiance qu’ils méritent, il sera bien facile à votre excellence d’éclairer les doutes que l’on a conçus à Londres sur notre manière d’agir. »


Et venaient alors les éclaircissemens. L’empereur ne pouvait pas en vouloir aux Anglais s’ils n’avaient rien fait contre lui ; il ne pouvait pas les atteindre, puisqu’ils étaient séparés par les mers, les fleuves et les montagnes de l’Asie : assurance moqueuse et perfide qui renfermait une menace, puisqu’arrivaient tout aussitôt les faits qui allaient la démentir. Au dire du comte Nesselrode, c’était l’Angleterre qui avait attaqué la première, et il finissait par ne plus cacher que la Russie avait bien su manœuvrer an besoin jusqu’à l’Indus ; c’était donc à l’Angleterre de conclure et de prendre garde, de se tenir avertie par les derniers paragraphes de la dépêche, pour ne point trop se fier aux premiers, pour ne point trop compter ni sur cette innocence que le czar accusait après l’avoir attestée, ni sur ces distances, dont le czar se riait après les avoir exagérées. Quant aux Russes, ils n’avaient rien à se reprocher ; ils démentaient tous les griefs qu’on élevait contre eux. Ils avaient voulu empêcher la guerre d’Hérat ; Vicovitch et Simonich n’étaient que des agens pacificateurs ; si par hasard ils avaient un peu dévié, l’Angleterre ne pouvait s’en fâcher. Quel est le gouvernement qui se trouve toujours servi comme il le voudrait ? L’Angleterre elle-même avait-elle moyen d’empêcher ces turbulens voyageurs qui venaient en son nom porter le trouble dans toute l’Asie ?


« Si nous rappelons ces faits, si nous faisons remarquer l’infatigable activité de certains individus qui se jettent en avant sans être accrédités ni reconnus par leur gouvernement, ce n’est pas que nous voulions imputer au gouvernement lui-même le blâme qu’ils méritent. Au contraire, nous regardons le cabinet britannique comme étant tout-à-fait en dehors de ces tendances que nous signalons ; mais, de même que nous plaçons une juste confiance dans la rectitude de ses intentions, nous nous croyons en droit d’attendre de lui qu’il n’élève pas de doute sur les nôtres. »


Imagine-t-on rien de plus piquant après quatre années de mutuelles tromperies, de tromperies connues des uns comme des autres, et dont la dépêche russe donnait tout aussitôt le compte, oubliant naturellement la part du cabinet de Saint-Pétersbourg et faisant fort au long celle du cabinet de Saint-James ? Aussi l’empereur entendait-il que tout frit réparé ; il voulait que l’Angleterre se réconciliât avec la Perse, de peur que cette anxiété produite par sa faute ne gagnât la Russie