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« Le gouvernement de sa majesté se considère comme autorisé à demander au cabinet russe s’il doit chercher le dernier mot de sa politique relativement à la Grande-Bretagne et à la Perse dans les déclarations adressées à lord Durham par le comte Nesselrode et par M. Rodofinikin, ou dans les actes du comte Simonich et de M. Vicovitch… Le système de communications réciproques qu’on avait suivi jusqu’à présent donnait bien le droit au cabinet de Saint-James d’attendre des explications directes pour croire à un changement définitif, au lieu de le laisser ainsi déduire des actes même de la diplomatie russe en Orient. »


Oui certes, il y avait une grande conspiration conduite en Perse par la Russie, avec l’aide de l’Angleterre et contre l’Angleterre, un complot tramé sous le voile d’une alliance intime, un acharnement obstiné de manœuvres ennemies, une violente passion de conquêtes souterraines par où les Cosaques se seraient un jour trouvés tout portés sur les bords de l’Indus face à face avec les cipayes de l’Angleterre. L’Angleterre savait et surveillait tout depuis quatre ans. Elle n’avait osé rien arrêter ; elle éclatait après coup. Voyez la belle audace :


« Le gouvernement britannique admet aisément que la Russie est libre de poursuivre, par rapport aux matières en question, la conduite qui lui semblera le plus favorable à ses intérêts, et la Grande-Bretagne a trop la conscience de sa force, elle sait trop bien l’étendue et la suffisance de ses moyens de défense sur tous les points du globe, pour regarder avec une inquiétude sérieuse les transactions auxquelles cette note se réfère. »


Alors à quoi bon l’écrire ? Était-ce pour demander la permission de se venger sur les Afghans de cette grande magnanimité que l’on montrait à l’endroit des Russes ? Et quand on allait faire payer si chèrement les faibles pour les forts, avait-on bien le droit de se prétendre si rassuré ? Non, mais on tenait seulement à ne point se commettre en Europe, et à se laisser une porte ouverte pour retrouver au besoin l’alliance russe entamée malgré tout par les évènemens de l’Orient. Lord Palmerston recueillit en 1840 les fruits de la condescendance dont il usait en 1836, et, quand se fit tout d’un coup cette grande amitié de l’Angleterre et du czar, on s’en serait moins étonné si l’on se fût rappelé cette obséquieuse dépêche par laquelle on avait voulu l’acheter à tout jamais deux ans auparavant. Voici comment elle finissait :

« Le soussigné est autorisé à exprimer en terminant les vœux du gouvernement de sa majesté ; le gouvernement de sa majesté souhaite que le cabinet