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(15 août 1838) ; c’était ainsi qu’après avoir traîné si long-temps, elles poussaient tout d’un coup les affaires du Kaboul à cette fin violente qui semblait un dénouement et qui n’était pourtant que le commencement d’autres malheurs.

La proclamation de Simla unissait sous une même réprobation les mouvemens du shah de Perse et l’indocilité du khan de Kaboul ; elle leur prêtait les mêmes intentions, elle affirmait que, d’un côté comme de l’autre, on subissait l’influence des Russes au détriment des Anglais ; elle annonçait la guerre ; cependant la guerre n’éclata pas tout de suite. Vient alors en effet comme une dernière péripétie qui n’est pas la moins piquante dans ce drame diplomatique. La Russie, clairement signalée par l’Angleterre à la défiance de l’Orient, se fâche, se moque et menace ; l’Angleterre en même temps proteste, se plaint et finit par reconnaître au cabinet de Saint-Pétersbourg le droit absolu de contrecarrer son allié de Saint-James, ce qui ne l’empêche pas elle-même de renouveler encore ses assurances de respect et d’amitié. Les deux notes se croisent dans la Baltique ; la note russe est du 20 octobre, la note anglaise du 26. Chose étrange ! lord Palmerston veut bien regarder la première comme une réponse ; dans le recueil des documens parlementaires, il la publie à la suite de la sienne, à l’encontre des dates ; il se déclare satisfait et semble considérer le démêlé comme fini parce qu’on a daigné railler et réfuter six jours à l’avance ce qu’il allait dire six jours après : tant de bon vouloir méritait plus de reconnaissance. Voici ces deux notes dans l’ordre même qu’on leur a supposé.


26 octobre 1838.

LORD PALMERSTON AU COMTE NESSELRODE

« Les évènemens qui se sont passés récemment en Perse et en Afghanistan obligent le gouvernement britannique à demander au gouvernement russe quelques explications indispensables au sujet de certaines circonstances liées avec ces évènemens, et très importantes pour les relations des deux états.

« Le soussigné n’a pas besoin de rappeler au comte Nesselrode que leurs gouvernemens ont pris depuis long-temps et par des motifs semblables le plus profond intérêt aux affaires de Perse. La Perse étant si proche de la Russie, c’est pour celle-ci sans doute l’objet d’une légitime sollicitude que de maintenir ses voisins dans des rapports de paix et d’amitié… La Russie doit naturellement désirer que la nation persane soit prospère et que le monarque persan s’abstienne de toute entreprise agressive au dehors pour diriger une attention exclusive sur les réformes intérieures. L’Angleterre,