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1833, ils ressortissaient pleinement et entièrement du ministère ; l’India-Board, ou bureau du contrôle, était devenu tout-à-fait une autorité hiérarchique imposée par les chambres à la cour des directeurs ; le président de l’India-Board était membre du cabinet et collègue obéissant de lord Palmerston : c’était donc avec sa permission et sous sa responsabilité que la compagnie s’effrayait si singulièrement d’une politique dont il était l’auteur, c’était lui qui jetait l’Angleterre aux bras des Sykhs de Lahore. En même temps et parce qu’il abandonnait la Perse aux exigences des Russes, il reculait pour se défendre de l’Euphrate à l’Indus, et protestait à distance par cette union malencontreuse avec Rundjet-Singh contre cette union mensongère qu’il se laissait imposer par le czar. C’était un subterfuge qu’il croyait bon pour remédier, sans trop de péril, aux exigences des Russes, et contrarier de loin des progrès qu’il n’osait empêcher de plus près. Lord Palmerston se trompait encore, et ses timides calculs ne devaient pas le servir d’un côté plus que de l’autre.

Le gouvernement de l’Inde avait fait beaucoup pour ruiner sa domination et mériter la désaffection de ses sujets. Il n’avait rien fait qui pût mieux que cette alliance nouvelle le déconsidérer et l’affaiblir. Nous ne voulons pas entreprendre ici le tableau des révolutions de la Haute-Asie, et décrire longuement la situation respective des Afghans et des Sykhs ; notre but n’est pas de suivre toutes ces vicissitudes intérieures par lesquelles a passé l’établissement des Anglais dans l’Inde : notre but est seulement de caractériser la lutte qu’ils y ont soutenue contre la Russie, de signaler partout ce même tort dont ils ont partout porté la peine, cette faiblesse pusillanime en face d’un ennemi dont les exigences se multipliaient toujours avec leurs concessions, cette sorte d’imbécillité morale qui les poussait dans un plus grand mal par peur d’un moindre. Il nous suffira donc de rappeler en quelques mots l’état général du pays pour qu’on puisse aussitôt se représenter le même spectacle qu’on a déjà vu dans les affaires de Perse : l’Angleterre, inquiète et comme éperdue, fuyant à tout hasard cette main redoutable que la Russie semble étendre sur elle, et tombant de mécomptes en mécomptes, parce qu’elle a d’abord biaisé devant le péril au lieu d’aller droit à lui.

Qu’étaient-ce en effet que les Sykhs ? Une population toute nouvelle au milieu de ces antiques populations de l’Orient, une race qui n’avait ni traditions ni ancêtres, comme les Rohillas, les Afghans, les Persans, les Turcomans ou les Radjpoutes ; une nation de soldats envahisseurs également détestés des mahométans et des Hindous au milieu