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dit qu’elle était convaincue que notre ambassadeur avait été mal informé, et que le comte Simonich n’avait jamais donné au shah l’avis qu’on lui attribuait. »

On fit plus que de nier ; on avait affaire à un ami, on voulut prouver. Lord Durham parlant encore à M. Rodofinikin de la conduite du comte Simonich, celui-ci, l’un de ces Grecs trop habiles que la Russie sait employer à son service, offre à l’ambassadeur anglais de lui montrer le livre original où sont inscrites en double les instructions données aux ambassadeurs. Le gouvernement anglais serait ainsi convaincu des bonnes intentions de la Russie quand il en aurait sous les yeux les témoignages réguliers. Pouvait-il d’ailleurs persister à croire que le comte Simonich eût voulu de son chef déjouer et rompre, par une politique toute contraire, cette politique amicale qu’on lui dictait ? Lord Durham était en termes trop intimes avec le cabinet russe pour profiter de ces ouvertures, et répondre par une enquête minutieuse à cette généreuse confiance. Il ferma le livre qu’on lui présentait.

Lord Palmerston, à moitié satisfait de ces démonstrations équivoques, demande encore assez mollement le rappel du ministre russe, qu’on lui promet, bien entendu, sans l’accorder ; mais il n’en écrit pas moins à M. M’Neill pour lui reprocher ses soupçons, et l’exhorter à vivre en bonne intelligence avec l’envoyé russe, qui se fâche de ces mauvais sentimens à son égard.

M. M’Neill répond en toute hâte par trois dépêches du 1er et du 3 juin 1837. Il ne comprend pas cette sécurité obstinée de son cabinet, il prouve que le ministre russe a grand tort de se plaindre de lui, puisqu’il a toujours lui-même agi comme l’ennemi de l’Angleterre ; il établit clairement toute l’opposition de la politique vraie des Russes à Téhéran et de la politique officielle qu’ils professent à Saint-Pétersbourg. Les deux missives datées du 3 juin sont encore plus importantes. Dans l’une, M. M’Neill raconte que la guerre va recommencer contre Hérat ; qu’ayant prié les ministres persans de l’informer sur-le-champ de tous les mouvemens du shah, il n’a su celui-ci qu’en entendant crier le jour du départ ; « qu’enfin ayant demandé ce qu’il en était, on lui a répondu qu’on regardait les opérations militaires comme une pure matière d’administration intérieure, et que sa majesté irait ou du côté de Khiva, ou du côté d’Hérat, ou ailleurs. » Tant d’ironie cachait mal une inspiration russe. L’autre dépêche enfermait une lettre du secrétaire général de la compagnie des Indes qui annonçait les alarmes inspirées au gouvernement de Calcutta par