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certains ports, et trafiquer à l’avenir dans tous les endroits qui seront ouverts aux nations les plus favorisées. Les articles de ce traité sont généralement avantageux ; mais le commerce français pourra difficilement en profiter. Nous n’avons pas une seule maison de commerce à Macao. Nos fabricans n’ont pas la moindre notion des objets qu’ils doivent confectionner pour la Chine. Tout est à faire encore de ce côté. Tout est à apprendre. Il se pourrait bien, en dernier résultat, qu’on eût dépensé beaucoup d’argent et fait beaucoup de bruit pour peu de chose.




AFFAIRES DE SUISSE.


La Suisse, comme on sait, est, au nœud de l’Europe, une république dont l’unité toute morale se compose d’un ensemble de contradictions. On croirait volontiers que la nature et l’histoire ont voulu faire là, dans ce petit coin de terre central, une expérience de ce que peut l’opposition des races, des langues, des cultes, pour dissoudre ou pour combiner, à une plus haute puissance morale, cet esprit de la nationalité qui est l’ame et la vie des peuples ; mais, comme l’ame humaine, celle-là non plus ne se peut disséquer ni déterminer sous le scalpel, dans aucune des fonctions du corps politique qui lui servent d’organes. La Suisse a jusqu’à présent vécu, pensé, agi comme un être qui jouit de toute son individualité propre, qui possède cette unité intime et forte, principe vital et mystérieux qui manque seul aux décompositions de la mort.

Aujourd’hui même, si la Suisse présente un spectacle inquiétant et pénible, on ne peut pas dire que ce soit celui d’un peuple misérable, sans honneur et sans vie. Elle est profondément divisée, c’est vrai, elle court peut-être à de grands malheurs, elle les affronte imprudemment ; mais elle est divisée, mais elle s’aventure pour des principes, pour tout ce qu’il y a de plus noble et de plus grand, de plus digne de faire battre le cœur. Elle est, comme à toutes les crises de son histoire, comme aux jours de la lutte des hommes libres contre les seigneurs, de l’indépendance philosophique et religieuse contre le système d’autorité, comme aux jours enfin où s’ouvrit, avec la révolution française, la plus grande lutte des temps modernes, elle est toujours, disons-nous, au centre de l’histoire, au cœur de la mêlée, au fort du combat de la civilisation et de la liberté. Ainsi que nous le dirons tout à l’heure d’après les sources les plus sûres, voilà de part et d’autre des cantons prêts à se lever comme un seul homme contre ce qu’ils estiment un asservissement politique et moral : n’est-ce rien que cela ? Qu’est-ce que l’Allemagne, par exemple, dont les publicistes traitent si lestement la Suisse, qu’ils comprennent si mal, peut mettre en regard de mouvemens pareils ? Si la Suisse devait disparaître, comme autrefois les vieux Helvétiens gaulois, gallica gens, olim