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doivent inquiéter beaucoup d’esprits, voilà la responsabilité qui, comme le ministère l’a durement fait entendre dans l’exposé des fonds secrets, pèse sur la tête du parti conservateur.

Le ministère comptait sur le discours de la reine d’Angleterre, et sur les débats du parlement anglais pour se relever des coups qui l’ont frappé dans la discussion de l’adresse. Il espérait que le discours de la reine renfermerait une déclaration explicite, qui fût un signe manifesté des bons sentimens de l’Angleterre pour la France. Il espérait que les débats du parlement seraient agités, que l’opposition britannique soulèverait des tempêtes contre sir Robert Peel, que l’arrangement de Taïti serait reproché au cabinet anglais comme une concession aux exigences de la France. Rien de tout cela n’est arrivé. Les paroles royales sont froides et sèches ; elles ne raffermiront pas le cabinet. Quant à l’opposition britannique, elle s’est montrée pleine de modération et de réserve. Elle n’a point blâmé le dénouement de l’affaire Pritchard. La réparation accordée par la France lui a paru suffisante. Voyez lord Russell. Il critique la manière dont les négociations ont été conduites ; il reproche au cabinet anglais d’avoir fait dès le début des demandes exorbitantes qui ont dû être abandonnées dans la suite : il reconnaît que les officiers français avaient droit d’expulser M. Pritchard : par conséquent la conclusion du différend lui paraît suffire à l’honneur de l’Angleterre. Lord Palmerston va plus loin, il n’admet pas que l’expulsion de M. Pritchard ait été juste ; à ses yeux, M. Pritchard était consul, et cependant, malgré cette opinion qui semblerait devoir le rendre plus exigeant que lord Russell sur la conclusion de l’affaire, il trouve la réparation suffisante. Que serait-ce s’il admettait, comme tout le monde, la légitimité et la nécessité de l’expulsion ? On voit que le langage de l’opposition anglaise sur l’affaire Pritchard offrira peu de ressources oratoires à M. Guizot dans la discussion des fonds secrets.

M. Guizot avait espéré sans doute que les ministres anglais diraient un mot des instructions communiquées sur les ; affaires du Maroc, et s’empresseraient de désavouer les commentaires auxquels ont donné lieu leurs indiscrètes paroles de l’an dernier. Cette espérance a été trompée. En revanche, sir Robert Peel a rendu un solennel hommage à la renommée politique et littéraire de M. Thiers. A Londres comme à Paris, l’opposition critique le système de l’entente cordiale. Au lieu de ces prévenances stériles qui ne servent pas mère à faciliter l’arrangement des plus simples débats diplomatiques, elle voudrait une alliance digne des deux nations, une intimité féconde, basée sur de grands intérêts. Tous les orateurs, dans les chambres anglaises, se sont accordés à exprimer des sentimens pacifiques. Nous n’avons pas vu paraître, de l’autre côté du détroit, ce parti de la guerre dont on nous a si souvent menacés ; il faut croire que ce parti de la guerre est à Londres ce qu’il est chez nous, c’est-à-dire un mensonge, une calomnie, qui sert d’aliment aux journaux ministériels et aux dépêches diplomatiques.