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ceux qui la composent : on sait aussi que les plus grands foyers de population sont, toutes proportions gardées, ceux qui renferment plus de souffrances et de misères. Le danger que nous entrevoyons n’est pas encore apparent pour tous les yeux ; de brillantes illusions entretiennent la sécurité. Paris a des revenus considérables : son administration municipale est aussi intelligente que zélée. D’immenses travaux d’amélioration ou d’embellissement sont achevés ; d’autres projets, plus grandioses encore, sont à l’étude et arriveront à terme, puisque l’argent ne manquera pas. Cette transformation de la vieille cité, que nous remarquons à peine parce qu’elle s’accomplit insensiblement sous nos yeux, frappe d’admiration les étrangers qui nous visitent à distance. Dans la vie privée, les progrès du luxe sont plus merveilleux encore. Mais quel est, au fond, l’effet de cette splendeur ? La pauvreté en est comme offusquée, et cherche l’obscurité pour y cacher sa honte. Dans la classe moyenne, quiconque a quelques ressources les épuise pour faire bonne contenance, car paraître est devenu un des besoins de la vie, besoin de vanité pour quelques-uns, besoin de considération et de crédit pour le plus grand nombre. De cette émulation de sacrifices il résulte un éclat superficiel et trompeur, un éblouissement universel qui nous aveugle sur les douleurs réelles et profondes. Il est bon que l’attention publique soit attirée sur ce point, et c’est pourquoi nous avons essayé de donner une signification morale aux chiffres muets et froidement alignés dans les colonnes des documens officiels.


A. COCHUT.