Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/673

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville par ville et pour ainsi dire homme par homme. Jamais on ne déploya dans une œuvre difficile plus de persévérance et de courage. Ses nombreuses lettres au roi Henri III, à ses secrétaires d’état, au duc de Damville, au maréchal de Matignon, aux échevins, jurats et consuls des villes, aux pasteurs des églises réformées, ses dépêches officielles et ses billets les plus intimes, sont empreints du même cachet, et s’élèvent, si l’on peut ainsi parler, à la même hauteur de modération et de droiture. Le roi de Navarre ne poursuit qu’un seul but, l’exécution complète et sincère des édits de pacification dans son gouvernement et dans ses domaines ; il le poursuit contre ses co-religionnaires aussi vivement que contre les catholiques ; il ne fait aucune acception de personnes et de croyances dans les mesures de redressement qu’il réclame de la cour ou qu’il prescrit à ses officiers. On le voit aussi souvent se mettre en campagne pour réprimer les excès des protestans que pour contenir les catholiques ; enfin l’on a peine à se persuader, en lisant cette vaste correspondance, qu’elle émane du chef de l’un des partis qui partageaient alors la France, tant elle est calme et précise, tant elle rappelle l’austère lucidité de notre meilleur style administratif.

« Messieurs, écrit-il, presque au début de ses fonctions, à la noblesse et aux communautés de Guyenne, ayant plu à Dieu, après tant de calamités, confusions et désolations, que les guerres et discordes civiles, ont apportés en ce royaulme, toucher le cœur du roi, mon seigneur, de la compassion de si longues et continuelles misères, et l’encliner à faire un édict de pacification, chascun a pu voir clairement comme mes actions et déportemens n’ont tendu qu’à la faire bien établir en mon gouvernement, à réduire la noblesse et les villes, à promettre publiquement de la maintenir, à faire, suivant iceluy, esgal traictement, faveur et distribution de justice à ceulx de l’une et de l’autre religion, et en somme à jouir de la doulceur du bien de la paix, jusques à faire remettre entre les mains des catholiques plusieurs places et maisons, encore occupées, bien qu’aulcuns d’eulx me déteinsent les miennes propres, afin de montrer à tous exemple d’une vraie réunion… Nous avons tous esprouvé à noz despens que toutes nos guerres et divisions du passé n’ont servi que de nous réduire à cette extrémité de toucher au doigt la ruine et dissipation générale de ce royaume, esquelles si nous rentrions à présent, il n’en faut moings attendre que de voir ralumer un feu inextinguible et une guerre irréconciliable par toute la France, et conséquemment une ruine inévitable. À ces causes, il est temps de nous desciller les yeux, pour n’être