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que des infidélités de sa maîtresse. Les évènemens ne l’avaient pas révélé à lui-même, il n’avait pas encore deviné ses destinées.

Trois années s’étaient écoulées de la sorte, lorsque l’esprit remuant du duc d’Alençon engagea ce prince dans des manœuvres clandestines avec les religionnaires et avec l’étranger. Alors, comme nous l’apprend Sully[1], par suite de la résistance qu’il rencontrait pour obtenir le titre de lieutenant-général qu’avait porté son père, le roi de Navarre eut le tort de recevoir ces dangereuses confidences. La police de Catherine eut bientôt découvert la complicité des deux princes, et de ce jour le Louvre devint pour l’un et l’autre une étroite et odieuse prison. L’évasion du duc d’Alençon, préparée par la reine Marguerite, fut suivie de près de la fuite du roi son époux. Il se rendit à Tours, et, s’y trouvant entouré de la noblesse huguenote, il n’hésita pas à reprendre la cocarde de son parti, en se rendant solennellement au prêche. Son retour au protestantisme fut un moyen de trouver de la force pour la lutte dans laquelle il venait de s’engager.

Pendant que cet évènement remettait les armes aux mains du parti, le prince de Condé agitait l’Allemagne en y soulevant contre la France toutes les antipathies religieuses et toutes les cupidités de petits princes sans fortune. Les mécontens de l’intérieur eurent bientôt réuni une armée de cinquante mille hommes, à laquelle Henri III n’aurait pu résister, si l’égoïsme des prétentions n’avait fait naître chez les chefs un désaccord qui sauva l’unité de la monarchie sous Henri III, comme plus tard sous Louis XIII. Catherine parvint à dissoudre par des traités particuliers une coalition redoutable. Deux intérêts s’y trouvaient réunis sous une bannière commune. Les politiques, groupés autour de la maison de Montmorency, s’efforçaient de faire prévaloir les questions territoriales et les intérêts des grandes races sur les passions religieuses qui imprimaient à ces débats une physionomie toute populaire. Les réformés subordonnaient tout à l’intérêt de conscience, dont ils étaient les représentans ardens et convaincus. Ceux-ci faisaient la guerre au pape et à la messe, ceux-là voulaient des gouvernemens et des pensions : étrangers par leurs vues et par leurs tendances, les uns et les autres aspiraient à abaisser le pouvoir royal, afin de s’élever sur ses ruines. Le duc d’Alençon était devenu pour les politiques un instrument précieux. Frère du roi et héritier présomptif du trône, il donnait à la ligue de tous ces intérêts privés la consistance d’un parti dont il travaillait à devenir le centre.

  1. Mémoires de Sully, Ier, année 1575.