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pour la première fois la religion réformée dans une indépendance menaçante. L’humiliation des armes royales et l’établissement des places de sûreté, tel fut donc le résultat définitif d’une exécution accomplie par un fanatisme moins coupable et moins odieux dans sa barbarie que la froide politique qui l’avait suscité.

Charles ne porta pas long-temps le poids de ce crime ; de sanglantes images chassèrent le sommeil de sa couche et lui infligèrent l’un des plus grands supplices de ce monde, celui du remords dans la puissance. La violence de ses émotions hâta le terme de sa vie, que son siècle fit coupable et qu’il aspirait à rendre glorieuse.

Sous Henri III, les évènemens se pressent ; la situation se présente sous un aspect nouveau, et la royauté se trouve directement mise en cause. Si le calvinisme ne s’est pas numériquement étendu dans les provinces, il s’est organisé partout d’une manière formidable. Plus de cent vingt places fortes sont entre les mains des réformés ; ils forment une patrie dans la patrie par l’unité de leurs pensées, et un état dans l’état par la nature des concessions qui leur sont faites. Les sympathies religieuses, vivement excitées d’un bout à l’autre de l’Europe, et devant lesquelles le patriotisme disparaît, assurent aux huguenots des ressources inépuisables. Élisabeth leur prodigue des secours ; l’Allemagne jette sur le Rhin des nuées de mitres et de lansquenets, attirés par le fanatisme religieux et par l’espoir de faire fortune. Pour résister à ces invasions menaçantes, préparées par les princes mêmes du sang de France, la cour est contrainte de rechercher le dangereux appui de l’Escurial. Philippe II devient par la force des choses le chef avoué du catholicisme en Europe, et la main qui agite l’Angleterre du fond de la prison de Marie Stuart ourdit en France la grande ligue devant laquelle la royauté disparaît comme une fiction inutile. Stimulé par les offres qu’on lui adresse et les secrets desseins qu’il voit poindre, le fils de Charles-Quint conçoit l’espoir de régner à Paris par procureur. Des rivalités excitées au sein de la famille royale, des mœurs dépravées et cruelles semblent précipiter vers une catastrophe ce royaume divisé contre lui-même et cette royauté chargée des mépris publics. Aux deux factions religieuses qui s’y combattent depuis vingt ans, il faut ajouter désormais le parti des mignons et celui des politiques : l’un qui vit des faiblesses du prince, l’autre qui grandit en exploitant les fautes de tous. Un roi de théâtre trône sur cette scène déshonorée par l’intrigue, ensanglantée par l’assassinat. Il y joue tour à tour à la guerre, à la dévotion, au machiavélisme, à la grandeur, dominé dans ces transformations diverses par la seule pensée du