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l’Espagne offrit de l’abolir, si le cabinet de Lisbonne la voulait remplacer par une convention commerciale. Le cabinet de Lisbonne répondit nettement qu’il n’y avait lieu à rien modifier, à rien remplacer, la guerre de 1807 ayant rompu tous les anciens traités conclus avec l’Espagne. On se rappelle qu’en 1807, l’Espagne fit en effet cause commune avec la France contre le Portugal. Ce fut, on le pense, un grand désappointement pour la commission de Madrid, qui ne pouvait s’imaginer qu’à la paix de 1810 on n’eût point expressément rétabli les vieilles conventions. On fit de longues et de minutieuses recherches dans les archives de l’état, dont la confusion était, depuis un temps infini, devenue proverbiale, et l’on découvrit enfin une toute petite convention de 1810, qui, réglant le sort des prisonniers faits de part et d’autre durant la guerre, remettait formellement en vigueur tout ce qui jusque-là avait été stipulé entre les deux royaumes. La découverte fut immédiatement signifiée à Lisbonne ; mais il paraît qu’à Lisbonne les archives de l’état ne sont pas non plus tenues avec un soin exemplaire : M. da Costa-Cabral, qui déjà était ministre, fit répondre que, de son côté, il n’avait rien trouvé de semblable, et que si la convention de 1810 n’était pas apocryphe, elle n’avait pas, du moins, reçu en 1810 la ratification du gouvernement portugais. Heureusement, en même temps que la convention on avait découvert les deux gazettes officielles de l’époque, les gazettes de Cadix et de Lisbonne qui la publiaient tout entière, et il fallut bien que M. da Costa-Cabrai se décidât à reconnaître les prétentions du gouvernement de Madrid.

Ces curieux pourparlers remontent à 1842. Aujourd’hui, M. da Costa Cabral va plus loin encore ; de son chef, sans consulter l’Espagne ni la France, ni aucune des nations qui en Portugal jouissent du privilège des conservatorias, — c’est le nom des juridictions spéciales auxquelles sont soumis les étrangers, — M. da Costa-Cabral se propose d’abolir ces juridictions. Il y a quelques jours à peine, il vient de présenter aux cortès un projet de loi qui les supprime ; M. da Costa-Cabral n’a pas plus de respect, on le voit, pour les conventions internationales que pour les chartes de son pays. Nous ne concevrions pas, pour notre compte, que l’Espagne reculât devant le caprice du jeune ministre de doña Maria Le droit de l’Espagne est constant ; à Lisbonne seulement, l’Espagne a quatorze mille nationaux ; dans le Portugal, quarante mille, qui, sans profit pour elle, ont quitté leur terre natale. Sous l’ancien régime, quand la main-morte et la loi des majorats livraient le sol, en Galice, aux moines et aux seigneurs, les pauvres paysans, réduits à une misère extrême, émigraient en Portugal, où ils exerçaient les petits métiers, le petit négoce. C’est ainsi qu’en ce moment nos montagnards pyrénéens, ruinés par le code forestier, s’embarquent pour la Havane ou pour Montevideo. L’Espagne est d’autant plus autorisée à exiger le maintien des conservatorias, qu’en abolissant l’inamovibilité de la magistrature portugaise, M, da Costa-Cabral a détruit son autorité morale. Peut-elle abandonner ses nationaux à la discrétion de juges qui eux-mêmes se trouvent à la discrétion du pouvoir ? En tout état de cause, l’Espagne ne devrait céder que si on lui