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de la France, et cette fois encore, sans le moindre succès. Si le Portugal a ainsi lutté dans le seul intérêt de la dignité nationale, combien ne doit-il pas être encore plus disposé à la résistance, quand l’avenir de sa nationalité même, tout jusqu’à sa fortune matérielle est formellement menacé !

Ce qui nous étonne, c’est que, désespérant de surmonter par l’intimidation les résistances du Portugal, l’Angleterre s’imagine que, par de mielleuses paroles, elle pourra s’ouvrir vers son but un plus direct et plus rapide chemin. Comment une pareille illusion n’est-elle pas tombée la première fois que les plénipotentiaires des deux nations ont débattu les simples bases des tarifs ? Il y a un an tout au plus, M. de Palmella lui-même et M. Florido se sont rendus à Londres, chargés de traiter à des conditions qui garantissent les intérêts de leur pays ; aucune de ces conditions n’a été acceptée par l’Angleterre ; il y a plus, aucune, évidemment, ne pouvait être acceptée. Voyez plutôt existe-t-il un seul moyen d’établir entre les deux puissances une ombre même de réciprocité ? Le Portugal possède d’excellens vignobles : il est bien naturel, s’il reçoit les cotons de l’Angleterre, qu’il demande à celle-ci d’admettre ses vins. A une telle prétention, l’Angleterre ne peut répondre que par un refus absolu. Si elle dégrève les vins et les eaux-de-vie de Portugal, il faudra bien qu’elle en fasse autant à l’égard de l’Espagne, de l’Allemagne, de la France. Adieu le revenu énorme qu’en ce moment lui rapportent les droits sur les vins et les alcools. L’Angleterre fait sonner bien haut qu’elle seule, en ce moment, consomme les vins de Porto ; outre que c’est là un commerce fort restreint, les vins de Porto sont d’une qualité tellement supérieure, qu’en dépit de tous les tarifs du monde il s’en consommera toujours, en Angleterre ou ailleurs, exactement la même quantité. Le Portugal est un pays agricole : pour peu qu’il reçût une culture intelligente et active, le sol y produirait, avec une incroyable abondance, toute sorte de fruits et de grains. Ces grains et ces fruits, il est inutile de songer à les exporter en Angleterre tant que l’aristocratie terrienne maintiendra sa fameuse loi des céréales. D’un jour à l’autre, le Portugal peut être un pays industriel ; mais, dès ce jour, il devient un des plus dangereux rivaux de l’Angleterre, et il est inutile de chercher comment peuvent, dans un traité de commerce, se concilier les intérêts des deux nations.

En vérité, plus on regarde autour de soi, plus il paraît démontré qu’un pareil traité n’est pas possible. Qu’on regarde encore, et l’on verra qu’il n’est point dans le monde une seule nation qui, à quelque degré, ne puisse faire au Portugal les avantages que lui dénie l’Angleterre. De nombreux débouchés pourraient s’ouvrir pour ses vins en Russie, en Prusse, en Suède, dans presque toute l’Allemagne ; les États-Unis ne demandent pas mieux aujourd’hui que de les venir chercher jusque dans Porto et Lisbonne. Il y a un peu plus de trois ans, la veille même de l’avènement de M. da Costa-Cabral, les cortès, à un moment d’irritation contre les exigences de l’Angleterre, votèrent des conventions spéciales avec les États-Unis ; trop occupés alors à débrouiller des complications intérieures, les États-Unis ne répondirent