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de traité provisoire, stipulant des concessions réciproques. Les avantages que les Anglais en retirent ne peuvent d’aucune façon se comparer à ceux que leur vaudrait un nouveau traité de Méthuen. Ces avantages, pourtant, sont assez considérables déjà pour confirmer le Portugal dans toutes ses répugnances. Une revue anglaise que nous avons sous les yeux constate elle-même que pas un navire portugais ne met à la voile pour Londres sans être chargé de fortes sommes en or et en argent.

Dans la presse de Londres, les refus de M. da Costa-Cabral ont d’abord soulevé une indignation dont on aurait peine à se faire une idée convenable ; c’étaient de furieux transports de colère qui menaçaient de tout renverser à Lisbonne. Sans aucun doute, on pouvait s’attendre à voir, en faveur de la constitution de septembre, la contre-partie du pronunciarniento de janvier 1842. Depuis quelque temps, la presse anglaise a subitement changé de tactique ; plus vif que jamais, le ressentiment subsiste, mais ce ressentiment se garde bien d’éclater au grand jour. Tout au contraire, pour M. da Costa-Cabral on professe la plus haute estime ; pour lui maintenant il n’y a plus que des éloges et de touchantes avances. On parle avec affectation de ses intentions excellentes, de son ferme caractère ; on parle même de son génie. Si M. da Costa-Cabral résiste encore, ce n’est point qu’il redoute l’opposition coalitioniste ; non, nais, parmi ceux mêmes qui le défendent, il y a un grand nombre d’industriels dont l’intérêt particulier repousse tout rapprochement étroit avec l’Angleterre. M. da Costa-Cabral saura se mettre au-dessus de ces petites considérations de personnes ; il finira par les sacrifier à l’intérêt général du royaume, qui, à toute force, exige qu’on lui rende son bienheureux traité de Méthuen. Le Portugal est un gentilhomme, ce sont les propres expressions de la presse anglaise, mais un gentilhomme ruiné, dont la susceptibilité est d’autant plus irritable. En ménageant un peu plus cette fierté maladive, la tolérante et magnanime Angleterre viendra sûrement à bout de ses préventions ; sûrement il se jettera, le pauvre fidalgo, dans les bras de ces compatissans et honnêtes marchands de Londres, de Liverpool, de Manchester qui, à tout prix, veulent lui rendre son ancienne opulence et le couvrir des plus somptueux vêtemens. Que les journaux anglais aient ainsi brusquement et complètement changé de ton et de langage, il ne faut pas que l’on s’en étonne. La Grande-Bretagne s’est enfin aperçue qu’il ne lui sert absolument de rien d’agiter ce pays, de renverser régimes et ministères. Que M. da Costa-Cabral tombe demain, en quoi serait-elle plus avancée ? Il est radicalement impossible que les évènemens poussent aujourd’hui aux affaires un homme qui puisse être de meilleure composition. C’est ici une question de vie ou de mort, et l’on sait déjà de quelle énergie indomptable on peut au besoin faire preuve dans ce petit royaume sur une telle question. Il y a quelques années, le Portugal ayant aboli l’esclavage dans les colonies, l’Angleterre en prit prétexte pour le forcer à reconnaître le principe du droit de visite. Le Portugal ne sacrifia qu’à la dernière extrémité la dignité de son pavillon. Avant de plier sous les inflexibles exigences de l’Angleterre, il sollicita une fois encore l’intervention