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contrat par lequel, immédiatement après le siège de Porto, le gouvernement avait livré le monopole des tabacs à M. le comte Farrabo. Ce contrat se trouvant expiré déjà, M. da Costa-Cabral annonça qu’il le renouvellerait en faveur de toute compagnie qui serait en mesure de prêter 4,000 contos, ou 24 millions de francs, à l’état. En stipulant ainsi de lui-même les conditions de l’emprunt, M. da Costa-Cabral violait la charte, qui, par l’article 15, oblige le gouvernement de soumettre ces conditions aux cortès. Ce n’est pas là, du reste, le principal grief qu’à cette occasion on ait élevé contre le gouvernement de Lisbonne ; par les orateurs et les publicistes de la coalition, le cabinet portugais a été accusé formellement d’avoir voulu jeter une nouvelle et plus riche proie à l’agiotage, en adjugeant l’emprunt à une compagnie qui porte le nom de la Confiança nacional, avec laquelle, depuis 1842, M. da Costa-Cabral a conclu presque tous ses arrangemens de finance, et qui dans tout le royaume est en butte à une grande impopularité. A vrai dire, la manière dont l’adjudication a été conduite confirmerait bien en quelque sorte une si grave imputation. Une autre compagnie que la Confiança nacional s’étant présentée pour faire concurrence aux capitalistes privilégiés, le gouvernement, ajoutant brusquement le monopole des savons et des salpêtres à celui des tabacs, augmenta les charges de l’emprunt, et déclara que l’adjudication aurait lieu dans un délai de vingt-quatre heures. En si peu de temps, il eût été difficile à la compagnie rivale de réaliser les conditions nouvelles ; aussi l’emprunt fut-il le lendemain adjugé sans enchères aux capitalistes de la Confiança nacional.

Cet emprunt est de 4,000 contos, à 5 p. 100 ; en le contractant, le gouvernement s’est réservé la faculté de l’amortissement, qui, selon les calculs de M. de Tojal, doit avoir lieu en vingt-trois ans. C’est là précisément la fameuse opération financière qui, en juillet dernier, a soulevé contre M. da Costa-Cabral cette bruyante explosion de colères à laquelle le ministre a répondu par les trois décrets du 1er août. En publiant les conditions de l’emprunt dans le Diario do governo, M. da Costa-Cabral a fait, si l’on nous permet de parler ainsi, comme un exposé de ses embarras et de ses espérances. M. da Costa-Cabral ne conteste point que ce ne soit un système ruineux d’engager ainsi les revenus du royaume ; c’est pour la dernière fois qu’il le pratique : avec cette anticipation de 4,000 contas, il se fait fort d’en finir.avec les emprunts. Il prend l’engagement de subvenir aux besoins des divers services ; il dresse calculs sur calculs, et emprunte à la statistique ses plus pompeux appareils, pour démontrer qu’il n’est point si malaisé qu’on l’imagine de rentrer dans les voies normales. Que faut-il penser de ces belles protestations ? Que peut-on attendre de si magnifiques promesses ? Nous ne savons ; ce qu’il y a de certain, c’est que, pour dissiper les inquiétudes, M. da Costa-Cabral a beaucoup à faire. Ces protestations et ces promesses, M, da Costa-Cabral les a déjà faites à cinq reprises depuis qu’il est ministre, toutes les fois que la pénurie du trésor l’a forcé de recourir aux moyens extrêmes ;