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promus depuis à des emplois supérieurs. Une seule de ces réductions était bien réelle, et c’était la seule peut-être à laquelle on n’eût point dû songer. Elle frappait le jardin botanique de Lisbonne et quelques autres établissemens de Coïmbre, et pour long-temps, sans aucun doute, elle doit enrayer l’enseignement des sciences en Portugal. Si habile que l’on fût, du reste, à grouper les chiffres, et, çà et là, dans plusieurs chapitres, à forcer les recettes, comment serait-on parvenu à produire la moindre illusion sur cet effrayant déficit qui, de l’un à l’autre bout du royaume, laissait tant d’intérêts en souffrance ? Il y a plus d’ailleurs : c’est avec ses propres chiffres que le gouvernement avait ainsi soulevé tant d’alarmes. Que serait-ce donc si l’on acceptait les calculs de la coalition ! Dans un court, mais substantiel opuscule, qui a pour titre : Breves consideraçoes sobre o estado de nossa fazenda publica, M. Jeronymo Dias de Azevedo dresse le relevé de toutes les charges, de toutes les misères depuis les plus anciens arriérés de la dette non consolidée jusqu’aux retenues que les employés subissent à tous les degrés de l’administration : M. Azevedo porte ce déficit, ou, si l’on veut, le total de tous les arriérés, à plus de 9,000 contos (54 millions de francs) !

Quels que soient, au demeurant, les calculs que l’on adopte, les calculs du gouvernement ou ceux de la coalition, les embarras de M. da Costa-Cabral n’en sont point aujourd’hui moins graves ni plus tolérables ; quand les caisses de l’état sont absolument vides, ce n’est point pour le moment la question principale de savoir à quel chiffre se doit supputer le déficit. Or, c’est précisément à cette pénurie extrême que M. da Costa-Cabral, on l’a vu plus haut, a été conduit par le pronunciamiento d’Almeïda. M. da Costa-Cabral était en présence d’un énorme déficit ; aussi éprouva-t-il une certaine hésitation à prendre sur lui la responsabilité des moyens par lesquels on le pouvait à toute force combler. Il ne se borna pas à consulter ses collègues et les grands fonctionnaires du royaume, il fit appel aux lumières et au patriotisme de ses adversaires. Une réunion eut lieu dans son cabinet, composée des ministres, des membres de la junte chargée de surveiller les incessantes fluctuations de la dette publique et de presque tous les membres des deux chambres, chartistes purs ou coalitionistes, qui en finances avaient jusque-là fait preuve de quelque habileté. M. da Costa-Cabral ouvrit la discussion par un discours où il exposa nettement les cruels embarras du trésor ; il parla longuement des expédiens décisifs auxquels, en pareille circonstance, avaient eu recours l’Angleterre et la Hollande, déclarant sans détour que les mesures ordinaires seraient impuissantes, non pas seulement à guérir, mais à diminuer le moins du monde le malaise financier. A peine eut-il achevé son discours, que ses adversaires lui répondirent avec non moins de franchise, par l’organe de M. le duc de Palmella, qu’ils étaient prêts à l’appuyer de toutes leurs forces, mais à la condition expresse qu’il rendrait immédiatement compte de tous les fonds dont il avait pu disposer depuis les premiers temps de son administration. M. da Costa-Cabral et ses collègues se récrièrent énergiquement contre de telles exigences ; de part et d’autre, la discussion ne