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père Marcos est un de ces prêtres qui, en 1820, prirent parti pour la révolution, un ancien coryphée des sociétés secrètes, devenu plus tard chapelain de l’empereur dom Pedro, et aujourd’hui remplissant les mêmes fonctions auprès de la reine doña Maria. Le père Marcos a laissé bien loin derrière lui l’exaltation de la première époque révolutionnaire ; sceptique et railleur, quand il monte à la tribune pour y débiter ses longs discours hérissés de citations bibliques et entremêlés d’épigrammes, on serait tenté de croire qu’en politique, c’est pour lui le but suprême d’impatienter l’assemblée par ses digressions interminables, sauf à la réjouir de temps à autre par de bouffons quolibets. Le général Campanhâa et le père Marcos se chargent d’apporter à la chambre ce contingent de bizarreries et d’excentricités qui naturellement se produit dans toute assemblée délibérante. Sur les mêmes bancs, auprès d’eux, MM. Castilho et Carlos Bento, deux journalistes jeunes encore, essaient de former un groupe plus sérieux, qui enfin contracte quelques habitudes parlementaires. M. Castilho est un ancien négociant de Hambourg, et, à ce titre, peut-être n’est-il pas éloigné de se croire un petit Mendizabal. M. Carlos Bento s’est, dit-on, laissé tout récemment éblouir par l’avènement de la jeune Espagne ; au Diario do Governo, dont il est le principal écrivain, il a fait des efforts jusqu’ici assez malheureux pour fonder le jeune Portugal.

En dehors des chambres, la lutte est plus animée, plus sérieuse. Malgré les entraves fiscales[1], le Portugal aujourd’hui compte déjà une foule de journaux politiques pleins de passion et de fougue, qui souvent éclatent en déclamations furibondes, mais dans lesquels pourtant, nous devons le dire, les questions pratiques de finance, d’administration et d’économie politique sont d’ordinaire plus soigneusement approfondies, mieux traitées qu’à la tribune des cortès. Pour son compte, le parti septembriste a déjà huit organes : la Revoluçao de septembro, le Patriota, le Tribuno, l’Opposiçao national, la Collisao, le Cosmopolita, l’Angrense et l’Impartial. A la tête de ces journaux, il est juste de placer la Revoluçao de septembro, que M. Sampayo, entouré de la jeunesse éclairée du parti, rédige avec un talent toujours prêt à la polémique et un courage souvent éprouvé. Le Patriota, qui a eu pour fondateur le député Lionel Tavarès, est le seul qui n’ait point voulu entrer dans la coalition ; ses principes, du reste, sont exactement les mêmes que ceux de la Revoluçao. De son côté, le cabinet est énergiquement défendu par le Diarlo do governo, la Restauraçao, les Pobres de Lisboa, le Correio portuguez. La Restauraçao, qui est rédigée parle député Castilho, forme en ce moment un centre littéraire où se sont produits des talens réels ; mais ces talens se tiennent en dehors de la politique : il s’en faut de

  1. Il n’est pas de pays constitutionnel où la presse soit assujettie à d’aussi intolérables conditions qu’en Portugal ; si on l’exempte du timbre, on lui fait impitoyablement payer des droits de port, qui, pour trois numéros de journal, s’élèvent à 50 centimes environ.