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la chute de l’infant. Forcée aujourd’hui de renoncer aux triomphes de la jeunesse, Mme de Gracia-Real s’est rejetée sur ceux de l’esprit. Ce n’est pas la première femme qui se soit consolée par la politique des illusions évanouies d’un autre âge. Exilée du grand empire de la mode, la noble Cordouane s’est résignée : elle a quitté Londres, et, durant les années qui lui restent, elle s’amuse à gouverner le Portugal.

Si l’on a bien compris comment au palais l’autorité du roi dom Fernando, celle de M. Dietz et de M. da Costa-Cabral est parvenue à exclure toute autre influence, jusqu’à celle de la reine ; si l’on a compris par quels alliés elle s’est fait reconnaître dans le corps diplomatique et dans la haute société de Lisbonne, on pourra saisir le sens précis des plaintes éloquentes qu’un ancien ministre, d’opinions très modérées, M. Mousinho d’Albuquerque, a fait entendre à la chambre élective, le 23 octobre dernier. « Quelle est donc cette force, demandait l’orateur, qui a son siège où le regard ne peut librement pénétrer, qui tantôt condamne le cabinet à l’inaction, et tantôt le pousse aux mesures extrêmes ? Dans les deux cas, le parlement devrait enfin savoir d’où vient l’entrave et d’où vient l’impulsion. Je déplore, pour mon compte, qu’à cette force-là le cabinet ne sonne pas même à faire résistance, car je voudrais que, dans le navire portugais, ce fussent des vents portugais qui fissent flotter la bannière aux deux couleurs ! — A Lisbonne et dans le reste du Portugal, la question de M. Mousinho d’Albuquerque est restée sans réponse. Sur ce qu’il demandait, chacun déjà savait à quoi s’en tenir ; au dehors, elle n’a pas été le moins du monde comprise : on voit maintenant de qui l’ancien ministre a voulu parler.

De ce triumvirat aujourd’hui irrésistible, le roi dom Fernando, le conseiller Dietz, le ministre Costa-Cabral, ce dernier est en ce moment le plus connu en Europe, et cela se conçoit aisément. En sa qualité de ministre, M. da Costa-Cabral porte naturellement la responsabilité de tout ce qui se fait au palais et de tout ce qui s’y projette, et puis, il faut le dire, M. da Costa-Cabral, d’abord le plus ardent des révolutionnaires, à l’heure présente le plus déterminé des chartistes, a tour à tour joué un rôle considérable dans tous les partis, et dans tous il a laissé des ennemis acharnés, implacables ; dans tous, il a soulevé d’inexorables colères. Depuis janvier 1842, M. da Costa-Cabral est en butte à une quantité effroyable de brochures et de pamphlets, pleins de passion, d’esprit, de malice, où tout est analysé, jugé, dénigré, condamné, ses actes, ses paroles, ses moindres sentimens, ses moindres démarches, jusqu’au son de sa voix, jusqu’aux traits de sa figure ; c’est un vrai cataclysme d’épigrammes, de sarcasmes, de satires, auquel, selon nous, parmi ces populations méridionales, ne pourrait tenir le ministre, si l’extrême violence n’y faisait tort aux meilleurs argumens, et si, à force de le vouloir rendre odieux, on ne finissait par le grandir hors de toute proportion. Nous avons sous les yeux la plus remarquable de ces publications : Costa-Cabral em relevo (Costa-Cabral en relief). Cette brochure est écrite d’un style énergique, nous dirons même un peu sauvage. Opinions à part, à