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à main armée, le bouddhisme en était empreint à sa naissance, et il lui dut un développement rapide, qui s’arrêta dès que périt chez les sectaires cette ardeur de conversion.

Sous les six petites dynasties qui se succédèrent si rapidement de 265 à 618 de notre ère, le bouddhisme pénétra toutes les classes de la société, s’introduisit jusqu’au palais et gagna parfois le cœur des souverains. Il se développa en Chine à la faveur des expéditions dirigées vers le nord-ouest, à l’occasion des troubles intérieurs, et aussi grace à la faiblesse des familles régnantes, qui, peu soucieuses de renouer le fil de la tradition tant de fois brisé, séparées par tant de révolutions des dynasties plus durables, étaient moins portées à suivre les exemples et les préceptes des saints empereurs. Divisé en deux royaumes, l’empire avait perdu cette organisation régulière, compacte, qui avait fait sa force ; à cette époque de crise, on marchait à l’aventure, on s’éloignait de la voie ancienne. Les peuples, détournés des tendances primitives, se dirigeaient avidement vers une religion qui parlait aux yeux, et qui semblait remplir à merveille tout le vide que le rationalisme de Confucius laissait dans les cœurs. La liberté de penser se faisait jour au milieu de la confusion générale, que ne rachetaient ni les expéditions parfois heureuses, ni les conquêtes éphémères, ni le faste de ces cours extravagantes. Les chefs tartares, menaçans sur plus d’un point, forçaient les empereurs à leur accorder des titres, des principautés, des princesses de leur sang ; on eût dit l’empire romain capitulant avec les Barbares, les logeant dans ses provinces, en attendant que le sceptre passât entre leurs mains.

Ce qui témoigne de la rapidité avec laquelle le bouddhisme se répandit en Chine, c’est qu’il s’y manifesta bientôt avec tous les abus auxquels il devait donner naissance. Les souverains de l’empire du midi d’une part, ceux de l’empire du nord de l’autre, se laissaient dominer par les bonzes. Les lettrés aux doctrines sévères, parfois moroses, cédaient la place aux religieux, qui, moins préoccupés des choses d’ici-bas, distraits des soins de la vie par la contemplation, par des pratiques multipliées, poussant jusqu’à l’extrême la théorie du renoncement et de la quiétude absolue, calmaient les esprits fatigués en leur promettant la paix intérieure pour prix d’une entière soumission. Il y eut des empereurs qui, comme Wou-ty des Liang (mort l’an 549 de notre ère), acceptèrent dans leur jeunesse les préceptes de Confucius ; puis, l’âge arrivant avec la crainte de la mort, ils demandaient aux dogmes nouveaux, plus explicites sur ce point, de les rassurer contre les inquiétudes du dernier jour. Le bouddhisme dut