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dans ces mêmes grades, une longue vie, une vieillesse exempte d’infirmités à laquelle des actes pieux et charitables ajouteront encore des jours.

Ici on reconnaît à la trace les sectaires du Tao ; c’est donc l’immortalité qu’ils cherchent en faisant le bien, et tous leurs vœux tendent à devenir pareils à ces vieillards surnaturels qui apparaissent aux docteurs avec des yeux brillans encore, de longs cheveux flottans comme dans l’adolescence ! La plupart des pratiques recommandées dans le Livre des Récompenses et des Peines appartiennent aussi, comme nous l’avons dit plus haut, à la secte bouddhique. Ces deux religions ont cela de commun, qu’à la différence de la doctrine des lettrés, elles s’occupent de l’individu en lui-même, et lui montrent la route pour arriver au bonheur. Faites de bonnes couvres, disent les Tao-sse ; priez, disent les bouddhistes, car le caractère propre de la croyance en la divinité de Foë, c’est de rapprocher l’homme de Dieu par des prières multipliées.

Quand le bouddhisme pénétra en Chine, il était déjà à sa seconde période ; les simples préceptes du fondateur avaient donné lieu à d’interminables commentaires, et à force de faire tourner la roue de la loi, de frapper le grand tambour de la loi, les sectaires, éblouis et étourdis, s’étaient lancés dans d’insaisissables subtilités. Sans doute aussi attaqués pied à pied par les brahmanes, rudes adversaires, habiles à manier la plus belle langue du monde, les philosophes bouddhistes se laissèrent entraîner à ces déductions qui les ont menés si loin. Cependant le maître leur avait dit : « Ne cherchez point à prouver ; mettez seulement en tête de vos traités ces paroles de soumission et de foi : Voici ce que j’ai appris ! » A la différence des Tao sse, qui, partis d’un point de vue uniquement philosophique, en sont venus à croire à l’immortalité du corps, les disciples de Foë, après avoir proclamé une morale de charité, à l’exemple d’un dieu régénérateur du monde, ont fini par aboutir au dogme du vide et du néant. L’ame a été pour eux le diamant qui, soumis à l’action du feu dans le creuset, s’évanouit sans laisser de traces. Cependant leurs enseignemens, si propres à adoucir les mœurs, eurent une influence remarquable partout où ils se répandirent. A en croire des livres écrits après coup, il est vrai, par les bouddhistes chinois, le libertinage, l’ivrognerie, les dissensions de famille sont les vices et les désordres que les apôtres, dans leur zèle, cherchaient principalement à guérir en Chine ; la foi, pénétrait les cœurs, tantôt par l’effet de la grace, tantôt par l’effet des terreurs qu’excitait chez les infidèles une promenade en rêve à