Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

française, westphalienne et saxonne, dont chacune veut faire prévaloir sa nationalité sur les autres, la monarchie de Frédéric pourra difficilement supporter une diète générale sans tomber dans l’anarchie. Que diraient, par exemple, les nonces polonais à la diète de Berlin ? y voteraient-ils comme des Allemands ? Le cabinet prussien a senti sa faiblesse, et il est sagement resté dans le système restreint des diétines, le seul que réclament d’ailleurs les plus riches provinces de la monarchie. On peut même dire que le développement des diètes partielles apportera des obstacles de plus en plus sérieux à la création en Prusse d’une diète générale.

Ce fait n’est-il pas de nature à faire regretter l’ancienne Pologne, que l’impuissante nationalité prussienne prétend remplacer en face de la Russie ? Il y avait au moins dans ces gentilshommes slaves, dans cette szlachta aujourd’hui terrassée, assez d’esprit public, assez d’ensemble moral pour constituer une diète, et par conséquent une véritable nationalité. Sans doute le cabinet prussien mérite les plus grands éloges pour son admirable administration ; mais cette administration ne peut créer l’unité sociale. En s’interdisant, dans son antipathie innée contre la France, toute imitation française, la Prusse tombe dans des imitations d’un autre genre, tant il est vrai qu’une organisation vraiment populaire manque et manquera toujours à ce pays. Il n’est pas d’ailleurs aussi facile que semblent se l’imaginer les législateurs allemands de créer une constitution nouvelle, originale, et qui ne soit pas plus ou moins la reproduction des formes anglo-françaises.

Il n’y a plus réellement en Europe que deux systèmes sociaux qui aient de l’avenir et qui portent en eux le principe du progrès. C’est d’un côté celui d’Occident, que dirige la France, et de l’autre côté celui d’Orient, ou des races gréco-slaves, qui a pour organes la Pologne et la Grèce en présence des deux puissances inertes de Vienne et de Pétersbourg. Quiconque ne tend pas à la liberté par les théories de 1789 y tend nécessairement par les théories qui ont dicté les quatre constitutions libres du monde gréco-slave. Les quatre chartes que nous venons d’examiner présentent entre elles de frappantes analogies : diétines polonaises, synodes grecs, congrégations maghyares, skoupchtinas serbes, sobors illyriens, toutes ces institutions sont identiques. Seulement, à mesure qu’on s’éloigne de la Grèce, on voit les idées civiques devenir moins claires, l’inégalité naître, l’esprit de privilège augmenter. En Serbie, tout reflète encore le système grec primitif ; en Hongrie, ce ne sont plus que les cités qui conservent l’esprit