Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beau rôle que celui d’imitateurs. Race orientale, que les Hongrois se livrent au génie de l’Orient, c’est-à-dire au génie gréco-slave : tel est pour eux le plus sûr moyen de créer une société vraiment nouvelle, et de devenir une puissance de premier ordre. En réalité, la charte hongroise ressemble beaucoup plus à celle de l’ancienne Pologne qu’à celle d’Angleterre. Le principe même qui fait la noblesse maghyare est essentiellement autre que celui de la noblesse britannique. Tandis qu’en Angleterre le fils aîné d’un pair hérite seul de la pairie, en Hongrie tous les fils d’un magnat sont magnats comme leur père, conformément aux anciennes lois slaves, turques et grecques. Si le système héréditaire de la Hongrie blesse les idées orientales, c’est surtout en appelant les jeunes magnats encore imberbes à siéger dans les diètes au même rang et avec les mêmes droits que les têtes vénérables, blanchies par l’âge et le travail. Combien ce culte féodal de la naissance et de la propriété est grossier, comparé au culte des Gréco-Slaves pour la vieillesse et la capacité ! Aussi l’avenir de la race maghyare et son ascendant politique sur les races environnantes dépendent-ils, suivant nous, principalement de son retour aux élémens démocratiques qui la constituaient à l’origine, avant que le germanisme eût implanté en Hongrie son code aristocratique. Les seuls alliés naturels des Maghyars sont les Polonais. Ces deux peuples ont d’autant plus d’intérêt à s’entr’aider, que, ruinés par les fautes de leur noblesse, tous les deux ont également besoin d’une réforme politique intérieure avant de se relever comme puissances morales sur la scène du monde.

Comme celle des Hongrois, la charte polonaise du 3 mai 1791 est surtout défectueuse sous le rapport des privilèges aristocratiques. Cette charte, qui depuis cinquante ans a servi constamment de base à tous les mouvemens nationaux de la Pologne, établit que les plébéiens peuvent devenir représentans à la diète, officiers à l’armée, employés dans toutes les branches de l’administration, mais qu’arrivés aux degrés supérieurs civils ou militaires, ils deviennent par ce fait même gentilshommes. Cette loi, qui pour l’époque fut certes un pas immense vers l’affranchissement, tendait néanmoins à éterniser la prédominance des nobles, en rejetant dans leur corps tout ce que la roture produisait d’illustre. Un autre inconvénient de cette constitution était d’employer l’église comme instrument de domination politique, et de la rendre complice des passions nationales. La Pologne latine, en posant comme base unique de ses lois l’église romaine, se mettait naturellement en guerre ouverte avec la majorité des peuples slaves, qui sont d’une autre église. Au lieu d’imiter l’habileté politique