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d’Allemands et d’étrangers, sympathisent faiblement avec les populations indigènes : d’où il suit que dans l’intérêt de leur propre conservation, et afin de pouvoir résister au despotisme autrichien, les peuples de la Hongrie doivent restreindre autant que possible les droits politiques des cités. La réunion des deux tables des magnats et des députés compose la diète ou comitia. Les représentans se rendent armés à cette assemblée ; c’est un dernier souvenir de la barbarie féodale et des temps où la diète n’était qu’un rendez-vous de guerre, destiné à faire voter par les guerriers sur un champ de mars national, au milieu du bruit des armes, une nouvelle campagne contre les Allemands ou les Turcs.

Entouré de la garde hongroise, le roi ouvre la diète par un discours sur l’état actuel du royaume et de ses relations extérieures, puis il se retire, et la diète commence à délibérer avec une franchise et une rudesse de langage dignes des enfans de la steppe. Responsables de leurs votes devant ceux qui les ont élus, les députés doivent écrire chaque semaine à leur comitat ce qui se passe à la diète. Quatre fois par an, les électeurs de chaque comitat se rassemblent en congrégation pour lire publiquement la correspondance de leurs mandataires, scruter leur conduite, et les remplacer par d’autres, s’ils en sont mécontens. Les effets bienfaisans de cette responsabilité ne s’étendent pas, il est vrai, en Hongrie, jusqu’aux ministres de la couronne. Ceux-ci n’ont aucun compte à rendre à la diète pour la gestion des deniers publics. De plus le roi, qui n’a pas l’initiative des projets de loi, a pourtant le droit de veto absolu, et sans sa signature aucune décision de la diète n’est valide. Il est vrai que la diète vote l’impôt de la guerre et le contingent des troupes, et elle peut refuser, ces deux articles, si le gouvernement suit une voie anti-nationale. Ainsi tenue en bride, la royauté ne peut commettre que des abus partiels, ce qui n’empêche pas que ses prérogatives ne soient excessives. Aussi la diète cherche-t-elle par tous les moyens à les restreindre.

Ce n’est pas toutefois dans la prépondérance royale que se trouve le principal défaut de la charte hongroise ; le vice radical de cette constitution est le monopole politique accordé à l’aristocratie. La magnifique institution des diétines, où primitivement tout citoyen quelconque, pourvu qu’il fût libre, venait parler et voter, n’est plus qu’un champ d’intrigues dans lequel les nobles ont seuls le droit d’agir. On a estimé qu’il y avait en Hongrie près de 500,000 gentilshommes, dont la plupart, vivant dans la misère, sont réduits à se faire artisans, cochers ou valets. On conçoit que de tels citoyens n’aillent