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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

dans les idées grecques, devrait être unique comme la nation, se trouve actuellement scindée en deux chambres, par suite des sollicitations impolitiques de la France et de l’Angleterre, qui voulaient garantir par là le principe monarchique, et lui ont au contraire préparé de nouveaux orages. Le non-sens que présentent en Orient deux chambres législatives n’a point été compris par la diplomatie anglo-française. Dans nos sociétés occidentales, où les passions fermentent avec tant de violence, il peut être nécessaire, pour équilibrer les forces sociales, d’avoir deux parlemens, l’un stationnaire, et l’autre progressif, délibérant, l’un au nom du roi, et l’autre au nom du peuple. La Grèce, dans son génie unitaire, pouvait se passer de ce dualisme savant, de cette organisation factice, plus propre, chez les populations simples et naïves de l’Orient, à provoquer l’anarchie qu’à l’arrêter. Pour ces jeunes nationalités, il n’y a pas, comme chez nous, deux forces distinctes dans l’état : le gouvernement et le pays. Ce sont nos antécédens féodaux, heureusement inconnus des Gréco-Slaves, qui ont créé parmi nous cette dualité. Dans la plus grande partie de l’Europe orientale, l’esprit de famille, en se maintenant, a su conserver intacte l’unité du pouvoir dans tous les cercles sociaux, depuis le foyer jusqu’au trône.

Il est remarquable que les Grecs n’ont pas même d’expression dans leur langue pour distinguer les deux parlemens. Le mot de gérousie (réunion de gérontes ou vieillards) désigne avec assez d’exactitude leur chambre des pairs ; mais après cela ils ne peuvent désigner par un terme spécial la chambre des députés, car le nom qu’ils lui donnent, vouli (conseil), peut s’appliquer indistinctement aux deux chambres. C’est qu’en réalité l’une et l’autre ne font qu’un même corps, et le vrai nom, le seul nom populaire de l’assemblée nationale est celui de gérousie. Pourquoi donc a-t-on donné exclusivement ce nom à la chambre des pairs ? Cette erreur serait-elle une ruse du parti absolutiste, qui espérerait attirer ainsi à la chambre des pairs une popularité arrachée à la chambre des députés ? Pour rester dans la vérité, il eût fallu garder à l’assemblée des pairs son nom ancien de conseil royal (vasiliki vouli), appeler l’assemblée des députés le conseil national (i ethniki vouli), et continuer d’appeler du nom commun de gérousie les deux chambres. Ainsi du moins les législateurs eussent été clairs et compris par le peuple.

En Serbie, pays qui a, mieux que la Grèce, conservé ses mœurs primitives, le sénat (soviet) n’est que la partie du conseil d’état qui représente le peuple, comme associé à son prince dans l’exercice de