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la plus tyrannique ; on se flattait d’établir une centralisation impossible au sein de populations essentiellement diverses. Les peuples orientaux sont placés à des degrés relativement trop distincts de l’échelle sociale, pour que la même constitution puisse être également bonne pour tous. Le seul moyen de salut est de laisser chaque peuple du monde gréco-slave se constituer à sa guise. Une charte vraiment populaire doit résumer en elle tous les élémens du génie national. De telles chartes sont rares, puisqu’elles ne peuvent être que l’œuvre suprême d’une nationalité dans un état complet d’indépendance. On ne peut donc regarder comme des constitutions véritables, ni celle des Ottomans, fruit du machiavélisme, ni celle des Moldo-Valaques, écrasés par la Russie. Les chartes de Grèce, de Serbie, de Hongrie et de Pologne nous paraissent, dans toute l’étendue du monde gréco-slave, les seules qui méritent, au point de vue national, le nom de constitutions.


II.
LES CHARTES GRECQUE, SERBE, HONGROISE ET POLONAISE COMPAREES

Un examen approfondi des quatre principales constitutions gréco-slaves permet de saisir entre elles de si profondes analogies, qu’on ne peut s’empêcher de les regarder comme exprimant toutes un même principe social. L’influence aristocratique, qui domine dans quelques-uns des pays soumis à ces chartes, n’a pu détruire les analogies que nous signalons ; en dépit des entraves féodales, le génie opprimé de la race gréco-slave se révèle, même dans ces contrées, par l’absence d’hiérarchie et une tendance invincible à l’esprit de famille et de communauté, c’est-à-dire à l’égalité civile en même temps qu’à l’égalité religieuse. Cette double tendance que partagent tous les états gréco-slaves provoque une législation intérieure qui est tout à l’avantage de l’indigène et au préjudice de l’étranger. La première condition pour être citoyen, c’est de professer la religion commune. On ne peut, s’en étonner, si l’on se rappelle que le principe religieux domine toutes les constitutions de l’Europe orientale.

La plus haute, la plus pure expression des idées gréco-slaves sur la liberté des sujets et l’organisation des états, se trouve dans la nouvelle constitution hellénique. C’est donc la charte d’Athènes que nous prendrons comme point de départ. Quoique votée en 1843 par le peuple le plus indépendant du monde gréco-slave, cette charte sort tout entière de ce principe, en apparence anti-libéral : la religion