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devant les conseils des villes et des villages qui les ont envoyés, il s’ensuit que l’autonomie provinciale émane en Orient de l’autonomie des communes. L’organisation communale des Gréco-Slaves repose sur deux bases : le culte de la famille et le culte de la vieillesse ou de l’expérience sociale. A la ville comme au village, le dernier mot des discussions les plus animées est toujours : Consultons nos vieillards, c’est aux vieillards à décider. Les vieillards, en slavon staréchines, en grec gérontes, en turc kodja, en albanais pliaks, n’ont jamais cessé de jouir en Orient des plus grands privilèges. Dans les tribus gréco-slaves restées primitives, on retrouve, comme chez les anciens Romains, une chevalerie composée de toute la jeunesse libre, qui se charge de faire la police et d’exécuter l’ordre des pères conscrits ; mais, au-dessous de ces deux classes, il n’y a pas, comme à Rome, une masse souffrante de plébéiens, car la loi gréco-slave, dès qu’elle est libre d’influences étrangères, tend à ennoblir tous ses sujets. Chaque géronte (vieillard en âge ou en sagesse) représente une ou plusieurs familles alliées, qui l’ont élu pour chef, et dont il gère les intérêts. La réunion de ces gérontes forme le conseil communal chaque conseil se choisit un président, qui s’appelle knèze ou prince, en turc aga, en grec démarque ou démogéronte (l’ancien du peuple). Ce terme, déjà usité dans Homère, l’est encore dans toute la Grèce. La fonction de ces princes des communes est de répartir l’impôt, d’administrer la fortune et la caisse communale, de présider à la police et au tribunal correctionnel du lieu.

Tant d’attributions différentes, réunies entre les mains d’un seul magistrat, n’ont pas chez les Gréco-Slaves les inconvéniens qu’elles entraveraient chez nous, par la raison que le démogéronte qui cesse de gérer sa charge à la satisfaction générale peut être destitué à l’heure même par les vieillards ses collègues. Ainsi l’opinion publique ne cesse pas un seul instant d’exercer une salutaire influence sur la conduite des magistrats. S’agit-il d’en élire de nouveaux, c’est le suffrage du peuple entier, et non une classe privilégiée qui les proclame. Chaque citoyen étant éligible en même temps qu’électeur, une noble ambition s’empare de toutes les aines, l’exclusion prononcée par la voix de tous s’empreint d’une autorité qui réduit au silence les candidats même les plus remuans. En outre, le système de réciprocité qui préside à la répartition des impôts fait envisager la prospérité de chacun comme un bonheur pour tous, et la pauvreté privée comme un malheur public. Chacun, en cautionnant son voisin, devient naturellement