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et à peu près les mêmes limites. Ces limites sont ordinairement deux fleuves, deux montagnes, deux mers ; de là l’expression si fréquente dans les chants gréco-slaves, franchir deux rivières, deux montagnes, pour dire traverser une province.

La diétine ou le conseil provincial se compose de vieillards, c’est-à-dire d’hommes éprouvés élus et envoyés par les différentes communes pour siéger au chef-lieu de la province, et mettre les intérêts locaux en harmonie avec les intérêts généraux de l’état, représentés par le gouverneur civil, vicaire du roi ou de l’empereur. Ces diétines, nommées en slave sobors, en grec synodes ou panégyries, existaient déjà du temps des Romains, qui les désignaient sous le nom de conventus provinciales. Les membres dont elles se composent, knèzes ou démogérontes, envoyés par le peuple, sont les dépositaires de tout son pouvoir. Sans leur consentement, aucune loi nouvelle ne peut être introduite dans la province. Seuls ils peuvent autoriser la levée des taxes, dont la quotité doit être consentie par eux et signée par leur président. Ils ont à surveiller dans tous ses détails l’administration du natchalnik ou exarque (gouverneur), dont ils doivent légaliser les actes. Toutefois, dans ce qui touche au gouvernement central, le natchalnik a voix prépondérante ; dans une collision entre lui et les démogérontes, il conserve le pouvoir exécutif et doit être obéi, jusqu’à ce que la diète suprême, informée de ce conflit, ait prononcé son jugement.

Dans ce système, si différent du nôtre, chaque employé, quel qu’il soit, est tenu de rendre annuellement ses comptes à ses commettans. Cette vérification a lieu pour le conseil d’état, dont les ministres doivent présenter leurs registres devant la diète qui les examine ; pour la province, où les démogérontes inspectent en détail les cahiers de l’administration, et font punir les concussionaires ; enfin, pour la commune, où le conseil des pères de famille cite à sa barre le maire et le trésorier. Il faut bien reconnaître que ces contrôles provinciaux sont souvent rendus illusoires, surtout en Turquie, par l’ignorance des commissaires auxquels ils sont confiés, et en Russie par la terreur que les représentans du tsar inspirent à la petite noblesse des diétines. C’est ainsi que dans ces deux empires la séparation de la force d’avec le droit dénature les meilleures institutions, et garantit presque l’impunité aux protégés du pouvoir ; mais là où la force se trouve aux mains du peuple, comme dans les royaumes de Grèce et de Hongrie, les contrôles provinciaux sont la source de la prospérité publique.

Les membres de chaque démogérontie et diétine gréco-slave étant irresponsables