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III

Nous concevons deux sortes de critique des institutions religieuses, l’une appuyée sur la philosophie et l’histoire, pesant dans ses impartiales mains le bien et le mal, le vrai et le faux, sincère, mais équitable, hardie, mais toujours maîtresse d’elle-même, libre, mais d’une liberté que la raison éclaire, que le seul amour de la vérité inspire, que la justice règle et conduit ; l’autre, violente, haineuse, qui veut moins expliquer les institutions religieuses que les décrier et les détruire, ne cherchant dans l’histoire et dans la science que des armes pour le combat, peu scrupuleuse sur les moyens de détruire, ne respectant rien, n’épargnant rien, mêlant le vrai et le faux, le bien et le mal, féconde en assertions tranchantes, en inductions téméraires, en accusations passionnées.

Où peut conduire cette dernière sorte de critique ? Tout au plus à l’ébranlement passager des institutions religieuses, mais elle est inféconde pour la science ; c’est une critique imprévoyante qui vit au jour la journée, et ne songe pas au lendemain ; l’autre, au contraire, a des résultats positifs et un but pratique, lointain, il est vrai, mais dont elle se rapproche chaque jour. Nous l’indiquerons d’un seul mot. Elle découvre partout dans l’histoire des institutions religieuses la raison humaine et ses lois. Or, la raison, se reconnaissant dans l’histoire, se comprend, s’absout elle-même, et se fortifie dans le sentiment de sa grandeur et de ses destinées. Le résultat de cette haute et pacifique critique des institutions religieuses, c’est donc de les comprendre, de les expliquer, de les absoudre, et finalement d’y substituer par degrés l’action directe, immédiate de la raison, qui doit un jour appeler tous les hommes, même les plus humbles, à la comprendre en elle-même, et à savoir tout ce qu’elle est et tout ce qu’elle peut.

Quelle est celle des deux critiques dont le livre de M. Michelet nous donne l’exemple ? On l’a vu. Nous croyons avoir démontré que le livre de M. Michelet, une fois dépouillé de sa brillante parure d’anecdotes et de portraits et réduit à l’essentiel, ne soutient pas le premier choc d’une discussion sérieuse. Ce sont en général des vues de détail, des aperçus ingénieux mais partiels, généralisés sans mesure avec l’intempérance d’une imagination ardente et l’emportement d’une passion qui ne peut se contenir. C’est donc là un livre de colère et de haine, et non un livre de science et de sérieuse critique. Nous entendons dire que ce livre est hardi ; nullement, c’est faible et violent qu’il faut