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Est-ce là du quiétisme ? Veut-on un passage décisif ? Bossuet écrit sur l’oraison à une religieuse qui inclinait aux voies passives :

« Ce n’est pas là l’oraison ni la piété que Jésus-Christ nous a enseignée. La simplicité en est la marque ; la charité en est l’ame ; Jésus-Christ en est le soutien. »

« N’allez pas contracter une habitude d’orgueilleuse et présomptueuse paresse qui mène à la langueur, et par la langueur à la mort. »


Quels sont les inconvéniens de la vie contemplative, du mysticisme pratique ? Le mépris des créatures, l’abus des austérités, les hallucinations de l’imagination. Écoutons Bossuet. Il écrit à des religieuses :


« Donnez les heures nécessaires au sommeil, ce qui est d’une conséquence extrême dans la disposition que vous avez de vous échauffer le sang. L’obéissance, la discrétion et l’édification valent mieux que les oraisons, les pénitences, et même, en un sens, que les communions.

« Cet effort qui fait qu’on voudrait mettre son corps en pièces est un excès et une illusion.

« Souvenez-vous de ce que vous devez au prochain dans votre état ; si vous y manquiez, tout le reste s’en irait en fumée. »


Voilà l’homme que M. Michelet nous dépeint comme un quiétiste, un ennemi de l’activité et de la liberté morale, et tout cela pour soutenir cette thèse, que l’esprit de la direction spirituelle dans le catholicisme, c’est l’anéantissement de la volonté, et cette autre thèse non moins fausse, non moins contraire à l’histoire, que les institutions religieuses, et particulièrement celles du christianisme, étouffent la liberté morale. Que conclure de ces erreurs d’un homme de talent que la passion égare ? Ce n’est point une petite conclusion que nous en voulons tirer, et nous la croyons assez importante pour lui donner tout le développement nécessaire : cette conclusion, c’est que l’attitude que M. Michelet veut donner à la philosophie vis-à-vis des institutions religieuses est fausse et dangereuse, et qu’il en est une autre plus digne, plus forte, non moins libre, non moins sincère, mais mieux appropriée à la nature de la philosophie, à la destinée à venir des institutions religieuses, enfin à l’état actuel de la société. Caractériser cette attitude, c’est ce qui nous a mis la plume à la main, et décidé à combattre avec franchise un écrivain dont nous honorons le caractère et le talent.