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Cornuau : « La maxime de ce saint prélat en fait de tentations, et particulièrement de celles qui regardent la pureté, c’était de ne faire jamais de questions gênantes, craignant d’échauffer l’imagination pour vouloir trop approfondir. » Plusieurs écrivains, de nos jours, ont signalé avec une juste indignation et un courage honorable les dangereuses et immorales subtilités de la casuistique. Que pensait Bossuet sur ce point ? La sœur Cornuau va nous l’apprendre : « Ce saint prélat lui avait confié qu’il n’étudiait jamais ces matières. » Voilà Bossuet médiocrement partisan de la casuistique ; c’est un illustre auxiliaire sur lequel on ne comptait pas.

Mais le point sur lequel insiste M. Michelet, c’est le quiétisme pratique de Bossuet. Sur ce point, on ne peut être embarrassé en contredisant M. Michelet que pour le choix des preuves. Bossuet, partisan des voies passives, Bossuet, ennemi de l’action et de l’œuvre, Bossuet, molinosiste, c’est la plus étrange illusion qui ait jamais traversé l’esprit d’un historien. Premièrement, il faut considérer que Bossuet s’adresse à des religieuses vouées à la vie contemplative, à des ames mystiques, d’autant plus agitées d’ordinaire qu’elles soupirent davantage après la paix. Que faire avec de pareilles ames ? Se proportionner à elles, pour les calmer et les affermir ; c’est ce que pratique constamment Bossuet avec un mélange de sévérité et de douceur, de sens droit et de finesse, de hauteur et de simplicité qui touche et pénètre, et fait concevoir pour un si grand homme je ne sais quelle vénération mêlée de tendresse.

Voici quelques passages que je me permettrai de recommander à l’attention de M. Michelet :


« Les ames mystiques doivent beaucoup modérer leur activité et vivacité naturelles, avec toute l’inquiétude qui les accompagne, et la tourner peu à peu en une action tranquille, ferme et persévérante. »

« La créature en elle-même n’est que mensonge et que péché ; mais par rapport à Dieu, qui nous attache à le servir dans ses enfans, et à Jésus-Christ, qui veut que nous l’honorions dans ses membres, nous ne devons point mépriser les créatures, pare qu’on le trouve en elles. »

« Ne faites aucun effort de tête ni même de cœur pour vous unir à votre époux, p. 352. »

« Laissez là toutes ces pensées d’une règle plus étroite. Ce n’est qu’amusement d’esprit. Accomplissez vos devoirs selon l’état où vous êtes. »

« Les oraisons passives et extraordinaires sont plus dangereuses qu’on ne pense. Ces mouvemens sont de pieuses extravagances d’un amour que sa violence rend insensé. »