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la direction spirituelle, dans l’église catholique, a pour but direct et pour effet nécessaire de diminuer, d’affaiblir dans les ames, et d’y abolir enfin radicalement toute activité, toute volonté, toute liberté. L’ame, une fois endormie dans le mysticisme, est aux mains du prêtre, qui dispose d’elle à son gré, et par elle de tout le reste. Voilà la clé de tout l’ouvrage ; voilà le fil qui conduit l’auteur à travers mille anecdotes, mille digressions ingénieuses. M. Michelet consacre la première partie de son livre à l’histoire de la direction spirituelle au XVIIe siècle. Il nous entretient tour à tour de saint François de Sales et de Mme de Chantal, de Fénelon et de Mme Guyon, de Bossuet et de la respectable sœur Cornuau ; peut-être aurait-il mieux valu ne pas mettre en telle compagnie des personnages aussi suspects que Molinos et la mère Agueda, le père La Colombière et Marie Alacoque ; mais quoi qu’il en soit, ce sont là des chapitres pleins d’agrément et d’intérêt. M. Michelet s’est plu à y répandre toute la finesse de son esprit, toutes les graces de son imagination. A chaque instant, M. Michelet frappe de bons coups sur les jésuites, qui déjà lui sont si redevables, et comme autrefois il épuisait contre eux sa colère, il aiguise aujourd’hui à leurs dépens sa spirituelle malice. Ce n’est pas nous qui demanderons grace pour eux.

Mais M. Michelet n’a pas voulu seulement continuer l’œuvre de Paul-Louis Courier, il poursuit un plus grand dessein, c’est de prouver que la direction spirituelle au XVIIe siècle s’est proposé pour but et a eu pour résultat nécessaire, non pas de régler, non pas d’épurer la volonté, mais de l’énerver, de l’assoupir, de la détruire. A plus forte raison en est-il de même à notre époque, et M. Michelet vérifie, dans sa seconde partie, sur le catholicisme du XIXe siècle ce qu’il a affirmé de celui du XVIIe. Il ne s’agit donc point à ses yeux d’un accident, d’un abus passager, d’une tendance particulière de la direction spirituelle ; il s’agit de son invariable loi, de son caractère permanent et universel. M. Michelet est tellement convaincu de ce principe, qu’il n’hésite pas à l’appliquer à Bossuet. Quelles que soient les différences spéculatives qui peuvent se rencontrer entre Bossuet et les quiétistes, au fond, dans la pratique, Bossuet pousse au quiétisme comme les autres. Lui aussi donne à la direction pour objet propre et essentiel l’affaiblissement, la paralysie, l’extinction de la volonté, de la liberté, Voilà Bossuet janséniste et molinosiste ; cela ne suffit pas aux desseins de l’auteur. Il ne lui suffit pas que Bossuet soit quiétiste, il faut que l’église catholique le devienne. Si l’on en croit le hardi généralisateur, il est de l’essence de la religion catholique (et pourquoi même se