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services publics, comme, par l’article 171, le pouvoir législatif s’interdisait à vrai dire toute espèce de contrôle sur les détails innombrables de l’administration, il est évident que, sous cette charte, le pouvoir exécutif aurait pu tout à son aise tromper la surveillance des cortès, et que lui seul en définitive aurait fixé le chiffre des dépenses, et, par conséquent, le chiffre de l’impôt.

En 1814, l’invasion était repoussée, mais le monarque absolu était remonté sur son trône, et chacun avec douleur prévoyait la restauration de l’odieuse routine qui sous les précédons régimes avait épuisé le pays. On ne vit pourtant pas, Dieu merci, se réaliser de si tristes prévisions. Du règne de Ferdinand VII, il faut faire deux parts bien distinctes : d’un côté les réactions sanglantes, de l’autre les réels efforts entrepris par deux ou trois ministres de ce prince pour réhabiliter le crédit du royaume et réorganiser le système financier. Dès 1817, le génie actif de don Martin Garay projetait les plus utiles comme les plus vastes réformes ; mais ce fut en pure perte que ce ministre essaya de relever la fortune nationale : ses plans habiles furent déconcertés, bouleversés, anéantis par la révolution de 1820. Jetons un voile sur la terrible période qui sépare 1820 de 1823 : à la seconde restauration de Ferdinand VII, les finances du royaume ne présentaient de toutes parts qu’un énorme déficit. On se souvient encore en Europe des vrais prodiges accomplis à cette époque par le ministre des finances M. Ballesteros pour subvenir aux premiers besoins du pays. M. Ballesteros ne combla point le déficit ; il ne releva point le trésor ; dans l’état où se trouvaient l’agriculture, l’industrie, le commerce et toutes les sources de la richesse, c’était là une œuvre impossible. Mais M. Ballesteros a prévenu la banqueroute complète et définitive ; il a, de façon bien souvent à produire une illusion décevante, assuré pendant très long temps les services publics ; cela suffit, incontestablement, pour qu’au-delà des Pyrénées le nom et la personne de l’ancien ministre soient, dans tous les partis, entourés d’une sincère vénération.

A la mort de Ferdinand VII, la guerre civile déchira le pays jusque dans les entrailles ; les dépenses s’accrurent au-delà de toute mesure ; on s’arriéra sur les obligations anciennes ; on contracta de nouveaux emprunts ; on entra dans la voie fatale des anticipations ; on engagea les revenus du royaume ; de là les ruineux scandales, les abus sans nombre avec lesquels M. Mon a voulu en finir. Pour obéir à la lettre de la constitution ; les ministres présentaient leurs budgets aux chambres : ce n’étaient là que des projets informes qu’au milieu des convulsions politiques les cortès n’avaient pas le temps d’examiner. Chaque jour, la guerre civile entassait décombres sur décombres et tarissait jusqu’aux dernières sources de la richesse nationale ; chaque jour s’agrandissait l’abîme du déficit. Dans l’estatuto real (articles 34, 35 et 36), dans la charte de 1837 (titre XII), on attribuait aux représentans de la nation le droit de voter l’impôt et de contrôler jusqu’aux moindres dépenses des ministres de la monarchie constitutionnelle. Ce n’étaient là que de vaines