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il s’est appuyé sur l’opinion conservatrice. C’est là qu’il a planté son drapeau d’une main ferme. Il était devenu nécessaire pour plus d’une raison que M. le comte Molé parlât. On commençait à abuser de son silence. Son initiative dans la lutte ouverte contre le cabinet du 29 octobre produira au dehors une sensation profonde. Elle aura surtout pour effet d’imprimer à la marche de l’opposition et à son but un caractère de modération qui peut seul en assurer le succès.

La discussion est ouverte au Luxembourg sur les différens paragraphes du projet d’adresse. On a remarqué que la réponse de la commission de la chambre des pairs au discours de la couronne ne contient pas sur tous les points une adhésion formelle et explicite à la politique du ministère. M. Guizot n’a certainement pas obtenu de la commission tout ce qu’il lui demandait. M. de Montalembert a parlé des affaires du clergé. Le jeune pair, sans être juste ni modéré, n’a pas été cependant aussi agressif que l’an dernier. On doit supposer que des membres éclairés de l’épiscopat ont tempéré cette fois l’ardeur de son zèle. Une discussion assez vive s’est élevée sur l’affaire de l’École polytechnique. On sait que l’École, licenciée au mois d’août dernier, a été réorganisée depuis. Tous les anciens élèves, sauf dix-sept, ont été admis à passer leurs examens. Pourquoi l’admission de ces dix-sept élèves a-t-elle été refusée ? L’École entière avait été licenciée ; tous les élèves avaient été frappés ensemble ; tous se trouvaient dans une situation semblable ; pourquoi l’arrêt prononcé à leur égard a-t-il fait des distinctions ? Le maréchal se retranche derrière l’avis d’une commission purement consultative, qui a jugé à huis-clos et sans appeler les élèves devant elle. La chambre a paru trouver que M. le ministre de la guerre avait déployé, dans cette circonstance, une excessive sévérité. Quelques paroles de M. le comte de Montalivet, prononcées dans ce sens, ont rencontré sur tous les bancs de la chambre une vive adhésion. M. de Montalivet a fait un appel à l’indulgence du maréchal, qui n’a rien promis. Cet incident n’est pas sans intérêt dans les circonstances présentes ; on en a causé dans les salons, et beaucoup de gens, sans y attacher une importance trop grande, s’accordaient néanmoins à lui trouver une signification politique.

La commission de l’adresse, à la chambre des députés, a entendu aujourd’hui la lecture du travail de M. Hébert, son rapporteur. La discussion commencera sous peu de jours. Elle est impatiemment attendue. La situation des partis, la nature des questions, le talent des orateurs, la grandeur et la diversité des intérêts engagés, tout doit faire supposer que cette discussion jouera un rôle important dans nos annales parlementaires.