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consultation sur les Méditations, où le disciple de saint Augustin accepte sans réserve et la méthode et tous les grands principes de Descartes, la preuve de l’existence personnelle tirée de la pensée, la démonstration de la distinction de l’ame et du corps, et celle de l’existence de Dieu par l’idée de l’infini. Depuis, Arnauld n’a pas cessé d’être un cartésien déclaré, comme Bossuet. Il y a vraiment une analogie merveilleuse entre les opinions philosophiques de ces deux grands hommes. Tous deux sont cartésiens, sans préjugés comme sans faiblesse : au plus fort de la persécution, disons tout, au milieu des fautes du cartésianisme, ils eurent le courage de l’avouer encore en séparant ses principes des applications téméraires et insensées qu’on en faisait. Tous deux partaient de la ferme distinction des vérités naturelles et des vérités surnaturelles, et la philosophie leur paraissait aussi légitime et aussi assurée dans l’ordre naturel que la foi chrétienne dans l’ordre des vérités révélées. Ils se montrèrent les constans adversaires de l’épicuréisme de Gassendi et du scepticisme de Montaigne et de Huet. Ce fut Arnauld qui introduisit et s’efforça d’accréditer le cartésianisme à Port-Royal. Il est l’auteur de la quatrième partie de la Logique, où domine la méthode de Descartes. Lorsqu’en 1663 la censure romaine mit à l’index les Méditations, cette incroyable injustice ne l’arrêta point. En 1669, il fit retrancher des Pensées ce qui était trop ouvertement favorable au scepticisme et à Montaigne, et contraire à Descartes et à la philosophie[1]. En 1675[2], il composa un admirable mémoire pour éclairer le parlement de Paris, qui allait rendre un arrêt contre la doctrine de Descartes. Enfin, dans sa grande controverse avec Malebranche, il rappela souvent son brillant

  1. Voyez la lettre citée dans nos Pensées de Pascal, p. 77, 84, 167 et 168.
  2. Voyez Fragmens philosophiques, troisième édition, t. II.