Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la vertu de ces balles et les senteurs des bouleaux que ces bois respirent, par les signes de mon art magique, j’amène en ton royaume, ô Samiel ! une nouvelle victime ; bénis-la sept fois, neuf fois ; trois fois, bénis pour elle la bouillie métallique. »

« Cela fait, Caspar ôta le bandeau qui pesait sur les yeux de Max, et, tirant de sa gibecière ce qu’il fallait pour la fonte magique, entra dans le cercle prescrit avec son compagnon. « Maintenant, observe, poursuivit-il, et tâche de retenir ma recette. D’abord du plomb, ensuite deux gouttes cristallisées du sang d’un jeune enfant mort sans baptême, un peu de verre pilé, du vif-argent, et enfin trois balles qui ont frappé. Voilà l’œuvre. » - Cependant la mixture commençait à bouillir dans le verre, déjà une lueur verdâtre s’en exhalait, et, comme elle faisait mine de vouloir déborder, Caspar prit la forme, la cuiller, et versa.

« Au moment où la première balle s’échappait de la forme : Une ! s’écria Caspar, une, répondit l’écho du gouffre, et soudain grands-ducs, corbeaux et chats-huans vinrent se ranger autour du cercle et se trémousser aux clartés vacillantes de la flamme. Une minute après, Caspar cria deux, et voilà qu’un sanglier féroce aux abois prit le large, effleurant Max de sa défense. Au nombre trois, une tempête horrible se déchaîna, les arbres furent déracinés, et les nuages s’entrechoquèrent. Au milieu du tumulte des élémens, on eût dit que le monde allait finir. Quatre, fit Caspar, et l’on entendit s’émouvoir au loin le branle-bas de la chasse endiablée. Les fouets claquaient, les chariots grinçaient, les chevaux hennissaient et piaffaient, et le vacarme emplissait les airs, se rapprochant toujours, jusqu’à l’instant où Caspar cria cinq. Alors les cavaliers nocturnes galopèrent en longues escouades, et, poussant cerfs et chiens devant eux, entonnèrent un chœur sauvage à faire trembler la montagne des profondeurs des ravins aux cimes des rocs nuageux. Caspar, en proie au délire qui le possédait, cria six d’une voix convulsive. À ce cri, la foudre éclata sur lui, les entrailles de la terre s’ouvrirent pour vomir toute sorte de spectres hideux promenant sur leurs traces de longues traînées sanglantes, et les feux follets s’éparpillèrent en myriades, portant la confusion et l’incendie dans ces grands bois de pins, qui suaient la résine à grosses gouttes. « Samiel ! Samiel ! à mon aide ! Sept, » hurla Caspar d’un accent de damné, et il roula la face contre terre. Pendant ce temps, Max, battu par les raffales diaboliques, cherchait à s’attacher aux arbres, à se cramponner aux rochers, mais en vain ; la tempête en avait fait sa proie et ne le lâchait plus. « Samiel ! s’écria-t-il enfin dans