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pas été entièrement inutiles : elles avaient appelé l’attention du gouvernement sur la colonie, dont la situation critique exigeait son intervention. Une commission fut assemblée par ordre du ministère pour étudier les affaires du Sénégal ; elle désapprouva les bases sur lesquelles était fondée l’association privilégiée. Son rapport mérite une attention sérieuse ; mais, selon nous, il donne prise à la critique sur plus d’un point, et l’analyse ne peut être ici séparée de la discussion.

L’arrêté du 16 avril avait été, on peut le dire, la liquidation commerciale de la colonie opérée sous l’autorité du gouvernement, c’est-à-dire l’application pendant cinq ans des bénéfices de la traite à l’extinction de la dette des traitans, et par conséquent au remboursement de la créance des négocians. La commission commence par établir une distinction essentielle sur la légitimité de ces deux mesures. Si elle comprend la nécessité de libérer les traitans dont la dette paralyse l’intervention, reconnue indispensable à la traite des gommes, et compromet l’existence de la population indigène en menaçant la sécurité de la colonie, il n’en est pas de même quant au remboursement des négocians. La commission consent bien à faire le sacrifice de quelques intérêts privés, afin de venir en aide aux traitans dont le bien-être est exigé par l’intérêt général, mais elle ne voit aucunes raisons d’appuyer par des mesures exceptionnelles la rentrée des capitaux que les marchands ont avancés pour leur profit personnel. Examinant de ce point de vue l’acte du 16 avril, la commission remarque d’abord que la confiscation des gommes pendant cinq ans à l’avantage des traitans et des négocians établit un monopole au détriment de quiconque n’est pas fixé au Sénégal en qualité de traitant, de négociant ou de marchand. On peut s’étonner qu’après avoir contesté la légitimité des mesures prises en 1842, la commission approuve l’acte d’association de 1834. « La colonie, dit-elle, était alors en guerre avec les Maures, et cette circonstance tout-à-fait exceptionnelle, qui réduisait la traite à la seule escale des Braknas, pouvait légitimer des mesures extraordinaires et même extra-légales, dans l’intérêt du commerce lui-même comme dans celui de la sûreté de la colonie. » Les mesures prises en 1834 étaient encore plus rigoureuses que le règlement du 16 avril 1842, en ce qu’elles imposaient une limite de trois ans pour être reconnu apte à entrer dans la société, et qu’elles fixaient à 50 kilogrammes au lieu de 33 kilogrammes, prix de l’association dernière, la valeur de la pièce de guinée. Nous demanderons maintenant si, en 1842, « l’intérêt du commerce lui-même, comme celui de la sûreté de la colonie, ne pouvait pas légitimer des mesures extraordinaires et même extra-légales, » pour éviter les affreux malheurs qui menaçaient Saint-Louis. La plupart des observations de la commission sur l’acte du 16 avril, observations très justes du reste, peuvent s’appliquer tout aussi bien à l’acte de 1834 et à toutes les années où l’on adopta le compromis. La société, ayant été formée pour l’extinction de la dette des traitans, devait, prendre les moyens les plus efficaces à l’effet de les débarrasser le plus vite