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dans la baie de Portendik ? Un navire au mouillage constituait-il un établissement fixe ? Oui sans doute, car, si l’on soutient l’opinion contraire, rien n’empêchera l’Angleterre d’ancrer solidement à demeure, près de la côte, un vaste ponton qui fera réellement l’office d’un comptoir, d’une boutique remplie de marchandises, et d’un magasin où s’entasseront les gommes échangées jusqu’à l’arrivée des bâtimens chargeurs. Enfin une question plus délicate était dès-lors soulevée par l’Angleterre ; encore aujourd’hui, cette question reste pendante. La France reconnaît à la Grande-Bretagne le droit de faire la traite des gommes à Portendik sous certaines conditions ; mais la France en guerre avec les Maures a-t-elle la faculté d’établir le blocus de Portendik ? Que devient alors le droit reconnu de l’Angleterre de commercer sur la côte ? Le roi de Prusse a été choisi pour arbitre des différends actuels de la France et de l’Angleterre au sujet du traité de 1783 ; c’est sa haute équité qui décidera.

A la paix de 1783, une cinquième compagnie du Sénégal, organisée sur un plan trop restreint, ne put rien accomplir d’important ; l’assemblée constituante prononça la dissolution de cette compagnie, et déclara le Sénégal ouvert à tous les négocians français. La concurrence irréfléchie que provoqua la liberté du commerce, liberté incompatible, du moins dans toutes ses conséquences, avec la position exceptionnelle de la colonie, la lutte acharnée que le pavillon national eut à soutenir, sous l’empire, contre les Américains et d’autres peuples neutres admis à la fréquentation des comptoirs, jetèrent bientôt Saint-Louis dans la plus profonde détresse. Des guerres malheureuses contre les Maures, la présence continuelle des flottes anglaises et leurs tentatives réitérées pour s’emparer du fleuve, après la prise de Gorée en 1800, finirent par annuler complètement les échanges. La paix d’Amiens prolongea de quelques jours la longue agonie du Sénégal. La guerre éclata de nouveau ; Gorée fut repris sur les Anglais : quelques corsaires français, de jeunes négocians de Saint-Louis, aidés de la garnison, exécutèrent ce hardi coup de main. La funeste imprudence du gouverneur, qui ne laissa que vingt hommes à la garde du fort, fit bientôt retomber l’île au pouvoir des Anglais. En 1809, le Sénégal, déjà en guerre avec les Foules, peuples du Haut-Sénégal, fut vivement attaqué par une expédition anglaise. Les fortifications de Saint-Louis tombaient en ruines ; les habitans n’attendaient aucun secours de la France : ils se rendirent. Enfin le traité de Paris, en 1814, restitua sans réserve à la France les établissemens qu’elle possédait sur la côte occidentale d’Afrique au 1er janvier 1792 : la reprise de nos possessions ne s’effectua cependant qu’au 25 janvier 1817.

Telle est en résumé l’histoire de notre colonie du Sénégal. On peut en tirer plus d’une conséquence importante. Depuis la fondation des établissemens français de la côte occidentale d’Afrique, au XIVe siècle, jusqu’en 1791, l’exploitation du commerce a été accordée à des compagnies privilégiées. Le monopole n’a jamais profité d’une manière durable à ces associations, et,