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les fois qu’il a parlé de ce qu’il savait à fond, il a dit les choses d’une manière parfaite, définitive. Et puis l’idée du grand homme s’ajoute aussitôt à son expression simple, l’imagination du lecteur fait le reste et l’œil ébloui met le rayon. Mais ce n’est pas la théorie que je discute en ce moment ; je n’ai voulu que prendre sur le fait l’idéal de simplicité et de réalité de M. Thiers comme écrivain.

Depuis juillet 1830, durant les intervalles et les intermittences du pouvoir, M. Thiers a trouvé dans ses goûts éclairés et actifs, dans sa curiosité infatigable, inventive, et dans son bonheur d’apprendre, bien mieux qu’une consolation et qu’un refuge : on serait tenté par momens de croire qu’il s’y oublie, tant il s’y enchante. Il était allé en Italie une fois sous la restauration, il y est retourné quatre fois depuis, et dans ces divers séjours prolongés, surtout à Florence, il a développé, perfectionné et enrichi par toutes sortes d’études sa passion pour les arts, son culte de la beauté visible. D’une pensée trop empressée et trop immédiate pour s’arrêter volontiers à l’étude des langues, il a fait exception pour celle de Dante et de Machiavel, avec lesquels il commerce directement, et il les met tout d’abord au rang de ses dieux. En tout, l’expression a beau être grandiose et mêle, il la veut encore simple ; il admire Corneille, dit-il, mais il préfère Racine à Corneille, et il préfère Raphaël à Racine, et à Raphaël peut-être le Parthénon. Il s’est beaucoup occupé, on le sait, d’une histoire de Florence ; il ne s’est pas moins occupé d’une histoire générale de l’architecture. Dans ce dernier art pris en grand, qui embrasse la sculpture et la peinture, il retrouve l’ame visible des peuples, toute leur histoire et leur civilisation résumée et figurée. Mêlant, selon son habitude, à ces considérations générales des données positives et techniques, et ne négligeant aucun détail matériel (tel que la coupe des pierres, leur attache, etc., etc.), il croit être arrivé à des résultats capables de satisfaire, et, par exemple, il se voit en mesure d’expliquer, de motiver en détail le passage de l’architecture grecque à la romaine par la nécessité d’agrandir la première en l’adaptant à de certains usages déterminés du peuple-roi, et par le mélange du goût oriental. Puis viennent les basiliques, l’art roman, le mélange de l’ogive du nord avec l’art arabe il a là toute une théorie déduite historiquement, et qu’il croit pleinement justifiable sous le point de vue technique aux yeux des gens du métier. Il y joint dans ses diverses transformations l’architecture civile, et n’a garde d’omettre la militaire. Nous pourrions en d’autres temps essayer d’entrer dans ces aperçus, emprunter à la parole même de l’auteur quelques-uns des développemens dont elle est fertile, ou