Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiquement le même ; les uns et les autres proposent d’établir sur-le-champ une contribution qui assure au clergé une dotation convenable. Cette contribution, qui jusqu’à un certain point atteindrait l’industrie et le commerce, frapperait surtout la propriété foncière. L’administration du produit qui en pourrait résulter serait tout-à-fait indépendante du trésor public ; elle dépendrait d’une junte suprême d’ecclésiastiques, résidant à Madrid, avec laquelle correspondraient des juntes de province, également composées de prêtres. Les intendans et les autres grands fonctionnaires publics ne seraient admis dans ces juntes que pour aviser aux meilleurs moyens possibles de faire entrer la contribution dans les caisses du clergé. Pour démontrer que ce système est de tout point inacceptable, il suffit évidemment de l’exposer dans ses termes les plus précis. Assurément, les cortès espagnoles sont animées à l’égard du clergé d’intentions excellentes ; il n’en faut point conclure cependant qu’elles soient pressées d’établir une puissance complètement indépendante, une sorte d’état dans l’état. Si défectueux qu’il soit, c’est le projet de M. Mon qui sans aucun doute finira par l’emporter, à moins qu’on ne préfère ajourner la question. Dans les circonstances présentes, l’ajournement serait la pire détermination que pût prendre le congrès. L’affaire principale, à l’heure qu’il est, ce n’est pas précisément de remédier à la misère du clergé ; c’est de prouver qu’on en tient compte et qu’on s’en préoccupe, c’est de persuader à une nation vraiment religieuse qu’on a l’intention bien réelle d’y apporter quelque soulagement. Pourquoi ne pas commencer par les palliatifs, quand on ne peut encore recourir à des moyens plus efficaces ? Le jour viendra où la situation du trésor permettra de remonter à la source du mal et de guérir la plaie, s’il est possible, jusque dans ses plus intimes profondeurs.

Voilà les considérations qui en ce moment devraient être particulièrement présentes à l’esprit de M. le marquis de Viluma et des autres députés, qui, blessés de nous ne savons plus quelles paroles un peu trop vives échappées à M. Mon dans le feu de l’improvisation, ont remis leur démission entre les mains du président du congrès. Que ces députés y songent bien : les dispositions ouvertement hostiles qu’ils affichent sans ménagement ni mesure envers le ministre des finances ne peuvent, à notre avis, avoir d’autre effet que d’amoindrir leur importance politique. Ces députés forment au congrès la fraction qui a voté en faveur de l’hérédité de la pairie espagnole, la fraction qui désire le mariage de la reine avec le prince des Asturies, la fraction qui volontiers reviendrait sur la vente des biens du clergé. Dans toutes ces questions capitales, l’opinion de la majorité a été contraire à celle dont ils avaient un instant rêvé le triomphe, lors de la trop célèbre discussion du projet de réforme. Tiennent-ils beaucoup à persuader au public que, depuis ce moment, ils ne cherchaient qu’un prétexte pour faire librement éclater l’irritation profonde qu’ils ont ressentie d’un si grand mécompte, et que ce prétexte leur a été fourni par les paroles de M. Mon ?

En résumé, on le voit, la situation du gouvernement de Madrid est de-