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mal gré, les contratistes cédèrent ; du soir au lendemain, l’état rentra en possession des sources et des élémens de la richesse publique. À la bourse, le 3 pour 100 reprit de la consistance ; d’abord faibles et peu demandés, les fonds nationaux ne tardèrent point à se raffermir, en Espagne comme à l’étranger. La suspension de la vente des biens du clergé réveilla bien çà et là quelques inquiétudes ; mais le langage décidé, l’attitude ferme de M. Mon rassura bientôt les esprits, et de toutes parts enfin on put croire à l’avenir financier de la monarchie espagnole.

À l’heure où nous voici parvenus, on peut déjà constater les résultats des mesures adoptées par M. Mon ; un seul fait démontrera combien le pays s’en doit applaudir. Dans le dernier mois de 1843, le 3 pour 100 à Madrid se maintenait péniblement à 25 ; maintenant, il n’est pas de jour où il ne se cote au moins à 32. C’est une amélioration de 7 pour 100 qui s’opère, et sur les anciens titres et sur ceux que M. Mon a remis aux créanciers du trésor en échange de leurs fameux contrats ; en ce moment, tel capitaliste, possédant pour 250,000 francs de 3 pour 100, est plus riche que l’année dernière de 17,500 francs environ. En faut-il davantage pour mettre pleinement en relief le progrès économique et financier qui en moins d’un an s’est opéré au-delà des Pyrénées ?

Sur les places étrangères, le 3 pour 100 a suivi une marche ascendante plus rapide encore et plus favorable ; tout récemment à Amsterdam, il s’est coté à 37, à la bourse de Londres à 37 1/8, à celle de Paris à 37 1/2, c’est-à-dire à un type supérieur de plus de 5 pour 100 à celui où il se cote à la bourse même de Madrid. Au premier coup d’œil, on serait tenté de croire que les étrangers ont plus de confiance que les nationaux même dans les fonds de la Péninsule ; l’inégalité pourtant s’explique par des raisons complètement étrangères au plus ou moins de sécurité que ces fonds peuvent maintenant offrir. Sur les grands marchés européens, il y a généralement beaucoup plus de capitaux disponibles qu’à Madrid ; ceux qui les possèdent, habitués de longue main aux opérations financières, s’engagent naturellement avec plus de hardiesse dans les spéculations de bourse que des capitalistes qui, pendant un demi-siècle, ont eu dans leur pays le désolant spectacle de dissensions et de bouleversemens, passés, pour ainsi dire, à l’état chronique. Au demeurant, dans la Péninsule même, ces spéculations deviennent chaque jour plus importantes et plus solides ; pour encourager les capitaux à prendre une telle direction, il n’y a point, selon nous, de politique préférable à celle que suit actuellement M. Mon. Autant, dans les premiers jours de son ministère, M. Mon a été ferme et hardi, autant, aujourd’hui que son système est en pleine voie d’exécution, il se montre prudent et réservé. Instruit par les mécomptes qui ont consterné Madrid et les grandes villes de la Péninsule dans les derniers temps du ministère Bravo, M. Mon ne fait point de ces promesses dont un homme politique ne peut sérieusement garantir l’accomplissement ; il n’égare point sa pensée au-delà de l’année qui commence ; pour