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ger. Solidaires d’une politique qui blesse le sentiment national, ils seront sacrifiés dans les collèges. Le parti conservateur peut encore prévenir ce danger. Il le peut aujourd’hui ; demain peut-être il serait trop tard. Qu’il y songe bien : dans la pensée du ministère, la chambre est déjà menacée d’une dissolution.

En Espagne, deux évènemens ont marqué la quinzaine qui vient de s’écouler : le vote de la loi des rentes et la présentation du projet qui concerne la constitution civile du clergé. La loi des rentes aura pour effet infaillible de contribuer puissamment à relever la fortune nationale ; il sera aisé de s’en convaincre si l’on jette un simple coup d’œil sur la situation financière du pays. Durant toute l’année qui s’achève, la spéculation s’est principalement portée sur les titres 3 pour 100, et cela est facile à comprendre ; le 3 pour 100 est la seule partie de la dette publique dont les intérêts soient payés avec une exactitude rigoureuse, la seule dont l’avenir paraisse aujourd’hui complètement assuré. À une seule époque, le 3 pour 100 a essuyé une dépréciation considérable ; mais on sait en quelles circonstances s’est produite une telle calamité : ce dernier mot est le seul dont nous puissions nous servir pour exprimer les conséquences fatales des opérations de la bourse de Madrid, aux premiers jours du printemps de cette année. En ce moment-là, M. Gonzalez-Bravo se trouvait encore à la tête des affaires ; pour remédier au malaise financier, pour introduire un peu d’ordre dans les services publics, M. le comte de Santa-Olalla se proposait de décréter une grande mesure, qui plus tard a subi des interprétations bien diverses. Il s’agissait d’élever le 3 pour 100 à un type supérieur et d’engager, pour garantir le paiement des titres ainsi augmentés, les revenus de l’administration des tabacs ; M. de Santa-Olalla voulait ensuite émettre une grande quantité de 3 pour 100, qui lui permît de rétablir la balance entre les dépenses et les revenus. Nous n’entrerons point dans l’examen des avantages et des inconvéniens d’un tel système ; il suffira, pour bien faire comprendre la situation présente, de constater l’influence que produisit à la bourse de Madrid ce qui transpira dans le public des projets de M. de Santa-Olalla. Avec la rapidité de l’éclair, le 3 pour 100 monta à 38, et Dieu sait jusqu’à quel type il se serait élevé, tant les espérances fondées sur les plans de M. le comte de Santa-Olalla étaient exagérées, quand la chute de M. Gonzalez-Bravo entraîna non-seulement la ruine de ces plans, mais l’avènement d’un ministre qui devait faire triompher en finance un système tout opposé.

Ce fut là d’abord un terrible mécompte ; le découragement gagna tous les capitalistes, et la soudaine panique dont les esprits furent saisis donna une grande force aux créanciers de l’état le jour où M. Mon fit nettement connaître de quelle façon il se proposait de régulariser la dette publique et de dégager les revenus nationaux. M. Mon a énergiquement tenu tête à l’orage ; intrigues de bourse, opposition de journaux, menaces de capitalistes, rien ne l’a pu détourner de la voie que dès le début il s’est tracée. Bon gré,