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On a célébré dans le discours du trône le voyage à Windsor. Nous avons dit déjà ce que nous pensons de ce grand évènement. Nous trouvons tout naturel qu’on le glorifie : la royauté de juillet y a brillé d’un vif éclat ; mais, puisque le ministère paraît vouloir s’en attribuer l’honneur, on voudra savoir le profit qu’il en a retiré pour la France. Depuis trois ans, la France attend une modification dans le droit de visite. Cette modification, l’a-t-on obtenue ? Dira-t-on cette fois encore qu’on négocie ? Une pareille déclaration ne serait plus admise par les chambres.

D’autres points seront soulevés par la discussion de l’adresse. L’Orient, la Grèce, l’Espagne, donneront lieu sans doute à des débats importans. Tout annonce que la discussion sera vive au Palais-Bourbon. Du côté du ministère, la lutte sera désespérée. On doit présumer néanmoins que l’opposition, même dans son ardeur, saura garder de justes limites. L’esprit de réserve qui a signalé sa marche depuis le premier jour de la session fait prévoir qu’elle suivra jusqu’au bout une ligne conforme à ses intérêts. Elle sera prudente, parce que c’est pour elle le vrai moyen d’être forte. On essaiera de la faire tomber dans des déclamations violentes, pour en tirer l’occasion d’un triomphe oratoire qui puisse éblouir la majorité : elle saura éviter cet écueil. Elle sera modérée comme sa politique. Rassemblée sous un drapeau pacifique et conservateur, elle ne voudra pas qu’on puisse l’accuser de tenir un langage belliqueux et révolutionnaire.

Un grand rôle est réservé au parti conservateur. Il est le maître de la situation. Bien des piéges seront tendus à sa bonne foi ; bien des raisonnemens seront employés pour l’égarer : espérons que le mensonge et l’erreur ne pourront rien sur lui. On lui dira que, si le ministère tombe, la politique de la paix est menacée. Le parti conservateur sait que le maintien de la paix ne dépend pas du ministère ; au contraire, si la paix pouvait être compromise, ce serait par un système sans fermeté et sans grandeur, qui sacrifie trop aisément la vanité nationale. On dira aux conservateurs que les adversaires du cabinet sont des ennemis de l’alliance anglaise ; les conservateurs n’en croiront rien. Ils savent fort bien que M. Dufaure et M. Billault, par exemple, ne sont pas les ennemis de l’Angleterre. Quant au ministère, il le sait mieux que personne. Voyez ce que disent aujourd’hui même les feuilles ministérielles sur M. Dufaure ? Elles disent que c’est un esprit modéré, un homme d’ordre, qui veut le progrès régulier des institutions. Que demain un portefeuille vienne à vaquer, le cabinet s’empressera de l’offrir à M. Dufaure, peut-être même à M. Billault. Croit-on que le ministère du 29 octobre eût déjà tenté plus d’une fois de conquérir M. Billault et M. Dufaure, s’il avait vu en eux des adversaires déclarés de l’alliance anglaise ? Au fond, les conservateurs ne s’inquiètent pas beaucoup du parti de la guerre ; ils y croient peu. Ce qui les préoccupe le plus en ce moment, c’est la pensée des élections prochaines. Qui fera les élections ? Est-ce le ministère du 29 octobre ? Si le ministère actuel fait les élections, les conservateurs courent un grand dan-