Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nent du cabinet ; aussi le ministère a-t-il rassemblé contre lui toutes ses ressources. Dans la journée qui s’est écoulée entre le second tour de scrutin et le scrutin de ballottage, tous les moyens ont été employés : on a convoqué le ban et l’arrière-ban ; on a jeté l’alarme dans la majorité ; les journaux ministériels ont déclaré que M. Billault était un ennemi de l’ordre et de la paix, un révolutionnaire. D’un autre côté, des adversaires complaisans du cabinet ont dit : Ne renversez pas le ministère sur une question de personnes, faites-le tomber dans la discussion ; qu’il succombe sous le poids de ses fautes : cela sera plus juste, plus franc, plus constitutionnel. Ainsi combattue par tous les moyens du pouvoir, la candidature de M. Billault devait échouer. Il a succombé en effet ; mais sa défaite est un triomphe.

Ainsi s’est ébranlé, coup sur coup, dans l’espace de quatre ou cinq jours, l’édifice ministériel du 29 octobre. D’abord, la séance d’ouverture a fait connaître les dispositions des chambres, image des impressions récentes du pays. Le scrutin de la présidence est venu ensuite révéler l’affaiblissement notable du cabinet. La nomination de M. Dufaure et les 168 voix de M. Billault ont fait le reste. Aujourd’hui, le ministère déclare qu’il en appelle à la discussion de l’adresse, le jugement des chambres ne tardera pas à être prononcé.

Au milieu de ces graves complications, un évènement funeste, que nous sommes forcés, bien malgré nous, de rattacher à la politique, est venu ajouter de nouveaux embarras à la situation du cabinet. La santé de M. Villemain, frappée d’une altération subite, ne lui permet plus de rester aux affaires. Le roi a dû accepter sa démission. Cette retraite de M. Villemain, et le cruel motif qui la détermine, seront accueillis de toutes parts avec les témoignages d’une affliction sincère. Des regrets universels accompagneront l’homme d’état, l’orateur éloquent, l’écrivain illustre, dont le dévouement et les rares facultés sont momentanément perdus pour le pays.

Par suite de cette vacance aussi douloureuse qu’imprévue, le portefeuille de l’instruction publique a été confié, par intérim, à M. Dumon. Cette résolution a été prise par nécessité. La première pensée du ministère a été de donner immédiatement un successeur à M. Villemain. Le portefeuille vacant a été offert à plusieurs personnages des deux chambres, qui l’ont refusé. M. de Salvandy, entre autres, a tenu dans cette circonstance une conduite qui l’honore. Son refus, que la situation politique lui imposait d’ailleurs, a été inspiré par les motifs les plus généreux et les plus louables.

La chambre des pairs a nommé sa commission de l’adresse. Quelques paroles d’opposition ont été prononcées dans les bureaux sur les divers paragraphes du discours de la couronne. Elles ont été modérées, mais fermes, et la majorité les a favorablement accueillies. Probablement, la réponse que fera la chambre des pairs au discours du trône ne contiendra pas des paroles de blâme ; mais il est douteux qu’elle renferme une adhésion explicite. Si le ministère demande à la noble chambre une approbation formelle, il n’est pas