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saires une occasion de mesurer leurs forces. Enfin il aurait désarmé un orateur puissant, qui le menace aujourd’hui d’une opposition redoutable mais, entre M. Dupin et M. Fulchiron, le ministère du 29 octobre ne pouvait pas hésiter : il a dû subir le joug de M. Fulchiron.

Telle a été, après l’ouverture des chambres, la première journée du ministère. Les jours suivans n’ont pas été meilleurs pour lui. Sa position s’est même aggravée de plus en plus. Après la question de la présidence sont venues les élections des quatre vice-présidens de la chambre. MM. de Salvandy, Bignon, Dufaure, Debelleyme, ont été nommés. Voyons l’une après l’autre ces nominations, qui toutes méritent une attention particulière.

M. de Salvandy était porté ostensiblement par le cabinet, il était le quatrième sur la liste ministérielle ; serait-il vrai cependant que les fidèles eussent reçu secrètement l’ordre de ne pas voter pour lui ? Le groupe des ministériels purs devait voter pour M. Hébert. C’était une manœuvre habilement concertée pour préparer un échec à l’ancien ministre du 15 avril. L’opposition conservatrice a déjoué cette manœuvre. Tandis que vingt-quatre voix ministérielles se portaient sur M. Hébert, les conservateurs dissidens ont voté pour M. de Salvandy, et ont fait sa majorité. M. de Salvandy leur en a témoigné sa reconnaissance. Bien certainement il ne se regarde pas comme l’élu du parti ministériel.

A côté de M. de Salvandy se trouve M. Bignon ; tous deux ont obtenu un nombre égal de suffrages. On connaît l’indépendance de l’honorable député de Nantes. Son langage sur les affaires de Taïti et du Maroc est celui de l’opposition conservatrice. En portant M. Bignon à la vice-présidence de la chambre, le ministère a pu faire preuve d’habileté ; mais assurément le succès de l’honorable candidat ne saurait être regardé comme un succès ministériel.

En troisième lieu nous trouvons M. Dufaure. Ici commence l’échec sérieux du cabinet. M. Dufaure a été nommé au moyen d’une fusion des deux centres ; tout le parti ministériel a voté contre lui. Il suffit d’ailleurs, pour apprécier cet échec du cabinet, de considérer le rôle que joue M. Dufaure depuis deux ans. La politique du ministère n’a pas d’adversaire plus décidé, plus convaincu ; c’est un nom qui n’a pas besoin de commentaires.

Enfin nous arrivons à l’élection qui a tenu en suspens tous les esprits pendant trois jours entiers. M. Debelleyme et M. Billault étaient en présence : M. Debelleyme soutenu par le ministère et par d’anciennes relations sur tous les bancs conservateurs ; M. Billault porté par le centre gauche et par la fraction dissidente de la majorité. M. Debelleyme l’a emporté, mais de quatre voix seulement. M. Billault a eu 168 voix ; son concurrent, 172.

Pour se faire une juste idée de l’influence de ce vote sur la situation du ministère, il faut considérer plusieurs choses : il faut se rappeler d’abord combien l’opposition de M. Billault a été vive, ardente, infatigable, depuis quatre ans ; il faut se souvenir qu’il a été sans cesse sur la brèche. Il a personnifié en lui plusieurs questions importantes, il a été l’adversaire perma-