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meilleur de ces petits poèmes est le Toast de M. Girella, ou, pour traduire littéralement, M. Girouette. Le verre à la main, dans les épanchemens du dessert, M. Girouette nous apprend comment il a mené sa barque au milieu de tous les orages politiques. Le digne homme est avocat du fisc et décoré. Il a volé les églises avec les jacobins ; il a pendu les jacobins avec les alliés ; il a servi Napoléon, la restauration ; il a fréquenté les carbonari et il les a vendus : c’est pourquoi il a prospéré. Escroc, voleur au nom de la loi, menteur par calcul, espion par spéculation, sérieux, fanatique en public, plaisant et joyeux dans l’intimité, il s’épanouit entre l’inquisition et les conspirations ; M. Girouette duperait Satan lui-même. Dans ses livres, il a célébré les trônes, les peuples, la paix, la guerre, Louis XVI, l’arbre de la Liberté, Pitt, Robespierre, Napoléon, Pie VI et Pie VII, Murat, Fra Diavolo, etc., et le seigneur Girella se moque de tout : « Vivent les arlequins, vivent les marionnettes, les gibelins, les guelfes, les masques de tous les pays ! vive qui est monté, vive qui est descendu ! »

Dans ses autres poèmes, l’anonyme toscan met en scène l’inquisition italienne ; cette inquisition vous étouffe, elle entoure d’espions le public des théâtres, elle prend tour à tour les formes de l’amitié, de la prudence, de la religion, de l’intérêt ; elle est savante, instruite, éclairée ; elle vous force d’être infame ou idiot. L’anonyme, admonesté par le commissaire de police, se promet de respecter les sbires, de tirer son chapeau aux sergens de ville ; il achètera un masque à la boutique sanfédiste, il fréquentera les églises. C’est ainsi qu’il vivra tranquille : il se fera délateur avec dignité ; partant il sera considéré, et au lieu d’être pendu il fera pendre ses amis. Ce sont là de sombres plaisanteries. L’Apologie du limaçon vous fait envier le paisible limaçon, cette bête bienheureuse qui ne se compromet jamais. « Écoutez, ô bourreau ! dit le poète, admirez ce prodige de la nature. Si on lui coupe la tête, sa tête se reproduit ! » Dans la Mort de François Ier, l’anonyme peint la jubilation des carbonari et la panique des gouvernemens. Mais le canon gronde ; qu’y a-t-il ? Rien, un autre empereur : habemus pontificem ; et le Couronnement de Ferdinand Ier nous fait assister à la comédie officielle des princes italiens qui vont entourer le roi des rois par la grace duquel ils tondent les peuples de seconde main. Le Morphée de la Toscane, le Don Juan protestant de Lucques, le Paladin de Naples, etc., toute la procession des princes défile devant le poète, qui esquisse de terribles caricatures. Les strophes les plus vives sont dirigées contre le souverain pontife. « Le pape Grégoire, dit l’anonyme, reste seul à Rome ; l’agitation du siècle est arrivée dans