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musulman. Il est difficile, on l’avouera, de mettre l’Autriche aux frontières avec une politesse plus exquise, et de congédier le parti libéral avec une plus tendre bienveillance.

Le livre de M. Balbo pourrait s’appeler l’Anti-Mazzini. Le conspirateur de Gênes ne parle que liberté, le comte piémontais sacrifie la liberté à l’indépendance ; M. Mazzini ne rêve que guerre et insurrection, M. Balbo ne rêve que paix et obéissance ; l’un ne conçoit le patriotisme qu’en renversant les gouvernemens, le patriotisme du second consiste à les fortifier tous. Entraîné par ses instincts conservateurs, M. Balbo voit, comme tous les anciens sanfédistes, dans la suprématie du pontife le terme lointain des agitations de l’Italie. Aussi l’opposition du comte piémontais contre le cabinet de Vienne est-elle des plus faibles. — L’Autriche, dit M. Balbo, attente à la liberté des princes italiens. — Mais qu’importe aux Italiens la liberté du pape et du duc de Modène ? M. Balbo oublie-t-il que ce sont les princes italiens qui ont appelé l’Autriche en 1799, en 1814, en 1821, en 1831 ? C’est la cour de Vienne, suivant le comte piémontais, qui force les princes à faire le mal ; le pape gouvernerait mieux s’il était moins assujetti à l’Autriche. En accusant l’Autriche à tort, M. Balbo ne s’expose-t-il pas à lui livrer trop facilement la victoire ? Est-ce la faute de M. de Metternich si le roi de Sardaigne a attendu jusqu’en l’an de grace 1836 pour abolir la justice féodale dans son île, si le code piémontais n’a été publié qu’en 1837 ? Sont-ce les lois de l’Autriche qui jettent l’anarchie dans les États Romains, qui ruinent les propriétaires du duché de Modène, qui condamnent les Siciliens à mourir de faim sur la terre la plus fertile de l’Europe ? L’Autriche a-t-elle défendu à la Toscane d’être le meilleur gouvernement de l’Italie ? Cruelle dans ses répressions, n’a-t-elle pas été bien surpassée par les fusillades de 1833 en Piémont, par les massacres siciliens de 1837, et même par les exécutions napolitaines et romaines de cette année ? Sans doute le roi de Piémont protège la république des lettres, mais en 1844 c’est la liberté et non pas la protection que l’on demande, et cette liberté est mieux garantie en Lombardie que dans le Piémont, à Modène et à Naples, contre les tentatives hostiles du parti guelfe. Gioja et Romagnosi auraient-ils pu écrire en Piémont ? Quelle est la revue lombarde qui ait été supprimée comme le Subalpino, l’Indicatore genovese, les Letture popolari, etc. ? M. Balbo nous apprend que les guelfes forment le parti sans comparaison le plus sage, le plus politique, le plus vertueux, le plus italien ; fidèle à la tactique des hommes de son opinion, il cite les anciennes gloires de l’Italie, les républiques du moyen-âge, la mission des papes d’une autre époque. Hélas ! nous vivons en 1844 ;